de vudeloin » Sam 31 Mar 2012 09:30
Justement, Oskial, tu m'offres l'occasion de parler un peu plus de nos expatriés....
Parce que pas mal d'idées assez fausses circulent sur le sujet.
Je dois dire, à mon humble avis, que si les Français de l'Etranger connaissaient une sur représentation des catégories socio professionnelles supérieures, il est probable qu'ils voteraient plus nettement à droite encore qu'ils ne semblent le faire.
Bon, d'abord, il y a désaccord sur les chiffres.
C'est à dire que l'on estime à 2,5 millions le nombre de nos compatriotes vivant à l'étranger ce qui, une fois retirés les enfants, donnerait environ 2 millions d'adultes.
Nous en avons, encore cette année, un peu plus d'un million d'électeurs inscrits sur les listes électorales consulaires, avec évidemment, les inégalités habituelles de présence à l'étranger, et notamment le fait qu'une grande partie de nos expatriés vivent en Europe, dans le cadre de leur activité professionnelle et que cette activité n'est pas nécessairement à tout coup, loin de là , une activité de direction d'entreprise, même déléguée.
Le jeune Français qui va à Londres et devient garçon d'étage dans un palace de la capitale britannique, cela existe, au moins autant que le directeur général de la filiale polonaise d'une entreprise française...
Nous avons aussi tout un ensemble de cas de figure très différent ; cela va des Juifs rapatriés d'Afrique du Nord qui ont fait l'aliyah et sont allés habiter à Haïfa pour vivre leur retraite aux coopérants culturels de l'Afrique sahélienne en passant par les commerçants expatriés au Mexique et j'en passe...
Autant d'ailleurs tordre de suite le cou à une légende assez répandue : celle qui veut que des Français partent à l'étranger pour des raisons « fiscales », au motif que les impôts seraient plus doux au soleil...
Selon l'administration fiscale elle même (mes sources étant assez fiables puisque venant du plus haut de la hiérarchie des finances publiques), on ne compte chaque année qu'un solde d'environ 450 à 500 exilés fiscaux (chiffre à rapprocher donc des 2 millions d'expatriés) et l'on ne compterait au total qu'environ 80 000 comptes bancaires détenus par des Français expatriés susceptibles d'être imposés dans notre pays au titre de revenus de source française...
Ce qui signifie tout simplement que l'immense majorité des expatriés a, effectivement, le centre de ses intérêts matériels et moraux à l'étranger, puisque c'est là qu'elle y exerce son activité professionnelle, qu'elle y mène sa vie familiale et personnelle, etc...
Je dois ceci dit indiquer un point de détail qui n'est pas inintéressant.
Celui qui veut que l'exil fiscal, cette fameuse question dans l'air, n'est défini par l'administration qu'à raison de l'assujettissement antérieur du contribuable à l'impôt de solidarité sur la fortune.
C'est à dire que le dernier chiffre connu des « exilés fiscaux » (environ 800 pour 2010, chiffre qu'il faut réduire des 350 retours) ne se fonde que sur le dépôt d'une déclaration ISF l'année antérieure.
On s'amusera donc de voir l'ISF servir de paramètre de mesure (il aurait pu y en avoir d'autres, à mon avis), comme on rapprochera le nombre net d'exilés (environ 450) des deux millions d'expatriés comme des 600 000 contribuables de l'ISF...
Ensuite, on peut toujours regretter qu'un nombre relativement conséquent de nos compatriotes soient amenés à vivre et travailler à l'étranger (alors qu'en général, c'est en France qu'ils ont été éduqués et formés), mais on ne peut négliger à ce stade quelques éléments clés.
Notamment le fait qu'une part très importante des Français de l'Etranger sont des bi nationaux, et singulièrement, dans la période la plus récente, des jeunes Français issus de l'immigration qui ne trouvent pas à s'employer en France, malgré leur parcours scolaire, les diplômés qu'ils ont obtenus et j'en passe...
Ces jeunes sont autrement plus nombreux que les Paul Dubrule et Gérard Mulliez qui ont quitté la France en résidant à cinq kilomètres de sa frontière et constituent une part croissante de nos expatriés dans les pays du Golfe, dans le Maghreb et, même, dans certains pays d'Europe.
Par ailleurs, la question de la binationalité, comme celle des mariages mixtes, est au coeur du débat aujourd'hui.
L'expatriation, de manière générale, est un moment temporaire dans la vie de nos expatriés.
Ce qui, par contre, peut devenir durable, c'est la vie familiale que cette expatriation peut changer.
Et l'un des problèmes posés, notamment dans le discours d'une Marine Le Pen comme d'un Nicolas Sarkozy, en ce qui concerne les questions d'immigration, est celui de la restriction programmée à l'entrée sur le territoire d'un grand nombre d'étrangers qui ne sont que les conjoints étrangers de ressortissants français.
Une hypothèse d'école qu'on peut définir, par exemple, dans la situation d'un jeune technicien de nationalité Française mais dont les parents étaient des Algériens immigrés en France et qui épouse une jeune femme Algérienne, née là bas et y ayant jusqu'ici vécu.
Pour que chacun ait les choses à l'esprit, ce type de situation est à l'origine de la moitié des entrées sur le territoire français de personnalité de nationalité étrangère extra communautaire...
En fait, le temps est loin où n'étaient inscrits, sur les listes consulaires, que les employés de l'Ambassade de nationalité française, les militaires stationnés de par le monde, les coopérants de l'enseignement, quelques journalistes envoyés spéciaux et quelques commerçants spécialisés dans l'import export...
La population française émigrée est de plus en plus diverse et, pour tout dire, de plus en plus conforme à la moyenne de la population française.
Elle en porte les traces, la variété et la diversité des origines, et je ne vois d'ailleurs pas beaucoup de raisons qui voudraient, à part quelques endroits bien précis (Principauté de Monaco, Suisse ou Liechtenstein, par exemple), que la droite y ait la primauté électorale ad vitam aeternam.
Le miroir de l'émigration française est parfois un peu déformant toutefois (cas de l'Amérique du Nord où les expatriés enregistrés sont plus aisés qu'en moyenne, le fait est) mais il n'en demeure pas moins que notre pays, sans que nous nous en soyons rendu compte, est en fait devenu un pays d'émigration.