de vudeloin » Mer 9 Mai 2012 16:41
A ce stade de la controverse, je me permets d'ajouter mon grain de sel dans cette affaire, puisque l'article de l'Express est exactement un article de l'Express, c'est à dire tout sauf ce qui pourrait permettre de se faire une idée juste de la réalité concrète...
Ce n'est hélas pas la première fois que le journal lancé par JJSS et Françoise Giroud glisse dans l'ornière de l'a peu près.
Il y avait environ un million de Français inscrits au titre des collèges électoraux des expatriés pour la présidentielle et voici que l'Express oublie de préciser l'élément principal : celui qui veut, jusqu'à plus ample informé, que la plus grande partie de ces Français de l'Etranger sont souvent des binationaux (ce qui explique notamment, Emeric, que nous enregistrions 60 à 80 000 entrées de personnes de nationalité étrangère par an sur le territoire national, parce que ces "immigrés" là sont les conjoints de Français vivant à l'étranger et appelés, pour un certain nombre, à devenir Français par mariage et même à retourner vivre à l'étranger ensuite...).
C'est à dire qu'on ne peut exclure qu'une partie des 946 (excusez du peu) Français du Paraguay soient des Paraguayens d'origine.
Un pays qui, ainsi que l'ont rappelé certains, a tout de même connu pendant plusieurs décennies la férule d'Alfredo Stroessner, un cacique créole dont l'origine allemande était avérée quoiqu'antérieure à la Seconde Guerre Mondiale.
Pour aller toujours plus loin dans la précision, il convient aussi de rappeler que, bien avant l'installation au pouvoir de l'absurde dictature de Stroessner (je crois bien que, sous certains aspects, le personnage a inspiré Gabriel Garcia Marquez pour El otono del patriarco), le Paraguay avait connu une épouvantable guerre avec ses voisins, la première guerre du Chaco, dans les années 1865 - 1870 qui s'était traduite par la véritable extermination de la population locale, passée de 800 000 à 500 000 habitants.
L'armée paraguayenne, mal armée et mal équipée, avait été battue à plate couture par l'alliance des troupes uruguayennes, brésiliennes et argentines et le pays largement amputé.
La seconde guerre du Chaco, dans les années 30, permit au pays de regagner des territoires au Nord Ouest aux dépens de la Bolivie, dont la partie « Chaco » se trouva réduite au seul département de la Tarija.
Même si la Bolivie a toujours perdu les guerres menées face à ses voisins (comme la guerre du Pacifique face au Chili qui lui fit perdre sa façade maritime), ce qui reste des deux guerres du Chaco est un sentiment national d'une prégnance particulière au Paraguay.
A preuve : le stade de l'équipe nationale de football à Asuncion s'appelle « Defensores del Chaco » et l'hymne national comporte des paroles du style « Paraguay, la République ou la mort »...
Le refrain donne en effet ceci
Paraguayos, ¡República o Muerte!
Nuestro brÃo nos dió libertad;
Ni opresores, ni siervos, alientan,
Donde reinan unión, e igualdad,
unión e igualdad, unión e igualdad.
L'auteur de cette martiale poésie est d'ailleurs le même que celui qui a écrit les paroles de l'incroyable hymne uruguayen, qui comprend des vers du genre « La liberté ou la mort » et il s'est adjoint les services du même compositeur, qui a d'ailleurs modifié quelque peu le rythme de sa mélodie pour agencer le thème paraguayen.
Toujours est il que les saignées de population causées par ces guerres de voisinage et le faible développement du pays (notamment après l'extermination de la communauté jésuite du Paraguay par le vice roi d'Espagne, comme l'a montré le film palmé à Cannes « Mission ») ont généré un appel à l'immigration européenne dont il s'est trouvé que l'élément allemand n'a jamais été absent.
Le pays ayant versé dans les expériences fascisantes dès 1940 a donc connu une longue période de dictature obscure qui ne s'est achevée qu'en 1989, le parti colorado, jusque là totalement noyauté par Stroessner et ses acolytes, finissant par connaître un aggiornamento qui conduisit, ceci dit, à l'élection, d'un évêque défroqué, présenté par la gauche, Fernando Lugo.
Mais que la communauté française du pays porte les stigmates du passé n'est cependant pas surprenant...
Dès lors d'ailleurs que l'on prend en compte la spécificité du pays où votaient nos compatriotes expatriés, on peut sans doute mieux appréhender leurs choix politiques .
Que Nicolas Sarkozy soit plus fort au sein de la communauté française de Suisse n'est pas surprenant, pas plus que le fait que les Français vivant en Scandinavie choisissent plutôt Hollande.
De même qu'il est assez évident que les motivations de la présence de Français dans certains pays africains sont diverses et que les communautés françaises de Belgique et du Royaume Uni sont traversées par des mouvements divers...
Ceci dit, en dernière instance, le fait que nombre de nos expatriés aient une attache personnelle avec le pays concerné est essentiel et cela guide effectivement une bonne part de leur comportement politique.