de vudeloin » Mer 11 Jan 2012 17:02
Tu n’as pas tort de faire preuve d’un peu d’ingénuité, Relique, parce que les attendus des propositions du FN appellent, à mon avis, un petit décryptage au moins linguistique.
Prenons la première idée pour combler la dette : celle de parvenir à un équilibre structurel égal à zéro des comptes publics.
Cette disposition, apparemment vertueuse, a un nom : c’est une sorte de « règle d’or « renforcée, qui tend de surcroît, quand le FN entend faire en sorte qu’aucune mesure budgétaire ne soit gagée sur la croissance, à mettre en déclin la dépense publique.
Question à cent sous : comment garantir, comme c’est affirmé par ailleurs, la préservation du statut des agents du secteur public, le niveau de leur rémunération ou je ne sais trop quoi encore, voire embaucher de nouveaux gardiens de la paix ou recruter des chômeurs âgés de plus de quarante cinq ans, quand on se place dans cette perspective ?
Maîtriser la dépense publique en la structurant à zéro pose un autre problème : celui de confondre la nature du déficit et du processus de création de la dette publique de l’Etat.
Ne pas tirer parti de la croissance pour accroître les ressources de l’Etat revient, dans les faits, à arbitrer chaque année entre baisse des impôts (un choix évidemment priorisé par le FN) et, surtout remboursement de la dette, capital et intérêts.
Question : est ce à dire que le FN privilégie en quelque sorte la rente, celle naissant notamment de la détention de titres de dettes publiques sur toute autre dépense publique nouvelle et porteuse, éventuellement, de croissance ?
La réponse est, pour moi, parfaitement claire : OUI.
En tout cas, la démarche du FN sur la « trajectoire « des comptes publics est plus rigoureuse et plus austère encore que celle prônée par les partis de gouvernement ou l’Europe, dans son délire monétariste !
Qu’on se suffise, dans un premier temps, de viser un excédent budgétaire primaire, c'est-à -dire un équilibre budgétaire où le déficit, une fois soustraits les dépenses d’équipement et le service de la dette (les intérêts), se transformerait en excédent.
Sinon, là , de suite, le FN s’avère plus maastrichtien que les maastrichtiens ! :D
Nous créerions ainsi les conditions d’un dégonflement progressif et tranquille de la dette publique.
L’affaire de la diffusion de la dette publique sur les marchés financiers, conditionnée par la remise en cause de la loi Pompidou Giscard de janvier 1973 est un pur emprunt (c’est le cas de le dire !) à la gauche…
Ceci dit, rassurons très vite Miss Le Pen, cela fait quelques temps qu’en dernier ressort, les banques centrales sont créancières de la dette publique de leur pays d’origine comme des autres…
Une telle mesure n’aurait d’ailleurs de sens que si, dans le même temps, la Banque centrale européenne décidait de jouer un autre rôle du point de vue du financement des dettes publiques des Etats membres de l’euro…
Le plan d’action de la réduction des dépenses inutiles est assez emblématique de la démarche du FN qui profite d’ailleurs de cette idée assez simple (quel père ou quelle mère de famille ne souhaiterait pas pouvoir dépenser moins sans moins bien vivre pour autant ?) pour mélanger habilement dépenses fiscales et dépenses budgétaires, en gros, les choux et les carottes…
Sur la nécessité de lutter contre la fraude fiscale, évidemment que tout le monde ne peut qu’approuver !
Mais, comme le FN ne souhaite pas alourdir la fiscalité des PME, des commerçants et artisans, souvent « fraudeurs » au petit pied, je pense qu’il n’y a pas loin entre la volonté de lutter et l’allégement global des impôts, comme on va le voir.
Sur la suppression des niches fiscales, pourquoi pas et le fait d’évoquer la niche Copé est symptomatique des tentatives pour séduire un électorat qui n’ait pas forcément une origine de droite.
Arrivent les « coûts de la décentralisation » et « le poids de l’immigration incontrôlée sur les budgets sociaux ».
Le FN, au fil de son programme, oppose, de manière constante, les dépenses de l’Etat et l’Etat, en général, considéré comme vertueux et celles des collectivités locales.
Une démarche qui nie une évidence que nous avons relevée dans le fil de discussion sur les dépenses publiques : celle qui veut que les comptes des collectivités locales soient équilibrés alors que les comptes de l’Etat sont plutôt mal en point.
Et les dépenses des collectivités locales, précisons le, sont de plus en plus contraintes, notamment sous les effets de la décentralisation Sarkozy Raffarin.
Et, pour ne rien arranger, ces dernières années, la contribution des collectivités locales à la hausse des dépenses publiques est la plus faible entre les différentes personnes publiques
Ce qui serait positif, quant à l’évaluation des dépenses publiques (nous en reparlerons peut être plus précisément), serait de se demander s’il est forcément bien venu de confier telle dépense aux collectivités locales, telle autre à l’Etat et telle autre à la Sécurité Sociale.
Quant aux coûts incontrôlés de l’immigration, disons que, pour une part, tout cela relève de la rhétorique habituelle du FN.
Et pour beaucoup, du fantasme puisque, pour ne donner qu’un seul exemple, ce sont les malades en traitement lourd (et c’est le principe de solidarité qui le justifie pleinement), en général plutôt âgés et plutôt « Français de souche », qui génèrent la majeure partie des dépenses de santé, qu’il s’agisse des soins hospitaliers comme de la médecine de ville.
Le mythe des immigrés consommateurs de dépenses sociales ne supporte pas l’analyse qui veut, notamment parce que la population immigrée en France est plus jeune et plus masculine que les ressortissants nationaux et, par conséquent, contribue largement au financement de la Sécurité Sociale par ses cotisations.
Je sais que les apparences sont parfois trompeuses, mais si les immigrés quittaient le sol français, nous aurions sans doute quelques difficultés à solder les comptes de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse, plus encore que celles que nous rencontrons aujourd’hui !
Alors, maintenant, l’égalité des Français devant l’impôt…
Et celle des grandes entreprises et des PME…
Je sens bien là -dessus, Relique, poindre délicatement l’objet fiscal honni, c'est-à -dire la « flat tax », l’impôt d’assiette large à taux faible qui plaît tant aux libéraux.
Pour l’égalité des Français devant l’impôt, le FN préconise plusieurs mesures : d’une part, relever le taux marginal de l’impôt sur le revenu à 46 %, une telle démarche, soit dit en passant, permettant d’envisager de très confortables plus values fiscales favorisant des ajustements à la baisse par ailleurs.
Du genre taxer un peu plus les gros salaires et alléger l’imposition des artisans et commerçants par le jeu des abattements et déductions forfaitaires…
Il propose aussi de fusionner l’impôt sur le revenu et la taxe d’habitation, en indiquant que le taux de celle-ci serait une forme de taux additionnel de celui de l’IR, mais sans dire qui le fixe (la loi de finances ? les collectivités locales ?) ni comment le produit en est réparti, alors qu’il s’agit d’une des dernières ressources fiscales des collectivités locales.
De même, fusion de la taxe foncière et de l’ISF, sous les mêmes réserves : qui fixe le taux ? qui répartit le produit ?
Le problème c’est qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre et que, de fait, il faut bien appâter le chaland.
La proposition sur l’allocation de l’épargne des Français vers la dette publique ne fait que signifier que le FN est partisan du recours continu à la dépense fiscale tendant à rentabiliser la rente…
Une sorte d’emprunt Giscard en permanence, ou Balladur, ou je ne sais trop quoi, mais en tout cas, quelque chose qui fasse qu’au coût d’une dette publique assortie d’un taux d’intérêt, on ajoute, tous les ans, celui de la dépense fiscale liée à l’exemption de ces intérêts (voire directement la souscription des titres) de toute imposition ou cotisation sociale.
Ou comment faire en sorte que le service de la dette s’autoalimente…
Je ne sais pas si le FN a l’intention de revaloriser le travail mais, là , en tout cas, il assure le rendement du capital !
N’ayons aucune inquiétude : si la France lepénisée se met à émettre des emprunts d’Etat à 3 % sans prélèvement de CSG ou d’impôt sur le revenu et qu’elle les indexe sur le niveau de l’inflation, les banques et compagnies d’assurance de notre pays ne se feront pas prier pour placer le produit auprès de leur clientèle !
Voilà , pas sûr que les recettes préconisées par Le Pen soient si respectueuses que cela des intérêts des « oubliés « et des « sans grade » ni même qu’elles parviennent à réduire la dette publique…
Ensuite, je peux faire erreur, là -dessus !