de vudeloin » Jeu 14 Juin 2012 16:33
A ce stade de la réflexion et de l'examen des choses, il convient sans doute de se demander quelle a été l'évolution du département de Seine Saint Denis entre les scrutins de 2007 et ceux de 2012.
En 2007, lors du scrutin présidentiel, la forte participation et la captation d'une grande part de l'électorat par les deux principaux candidats avaient donné un résultat pour le moins stupéfiant.
Pour nous en tenir à l'essentiel, les chiffres.
Inscrits 708 171
Votants 587 920
Exprimés 580 643
A gauche
Besancenot 24 281, 4,18 %
Buffet 20 542, 3,54 %
Bové 7 157, 1,23 %
Schivardi 1 460, 0,25 %
Laguiller 6 489, 1,12 %
Voynet 7 823, 1,35 %
Royal 189 180, 34,13 %
TOTAL 256 932, 45,80 %
Bayrou 97 058, 16,72 %
A droite
Nihous 1 474, 0,25 %
De Villiers 7 774, 1,34 %
Sarkozy 155 887, 26,55 %
Le Pen 52 518, 9,04 %
TOTAL 217 653, 37,18 %
On se retrouvait donc avec une majorité relative à gauche (ce qui était plutôt mauvais pour la gauche, eu égard à l'histoire du département) et une avance inférieure à 40 000 voix sur les candidats de droite affichés.
Au second tour, avec 564 542 exprimés (soit une baisse de 3 % du nombre des suffrages), Ségolène Royal obtenait 319 205 voix (gain de 62 273 voix sur le premier tour) quand Sarkozy faisait 245 337 suffrages (gain de 27 684 suffrages).
Aux législatives de juin 2007, la participation électorale est retombée à 384 443 votants (53,88 %) et celui des exprimés à 377 844.
Les candidats communistes et apparentés ont obtenu 54 466 voix (14,41 %), quand le PS recueillait 103 314 voix (27,34 %).
Le Modem s'effondrait à 26 810 voix (7,10 %), l'UMP et les divers droite obtenaient 135 650 voix (35,90 %) et le FN chutait à 19 105 voix (5,06 %).
Les années suivantes sont marquées, comme nous l'avons vu, par la perte de positions fortes par le PCF (Aubervilliers, Montreuil, Pierrefitte), le renforcement relatif du PS dans ses positions (Pantin, Noisy le Grand, par exemple ou encore Bondy), la conquête de la mairie d'Aulnay sous Bois mais aussi ses deux échecs signifiants sur Epinay sur Seine et Villepinte.
Mais aussi par une poussée assez nette de l'abstention.
Celle ci frappe les villes à direction PCF : Aubervilliers vote à moins de 47 % au premier tour et à peine plus de 50 % au second, Saint Denis vote à 42 %, Bobigny un peu plus de 46 %.
Mais elle n'épargne pas les municipalités PS : Bondy ne vote qu'à 51 %, Clichy sous Bois à moins de 45 % , Noisy le Grand à 52 %.
Et, événement de première importance, le Conseil général bascule en faveur du Parti Socialiste, celui ci disposant en 2008 d'une majorité de sièges à gauche, en ayant pris au PCF le siège de Saint Denis Sud avec Mathieu Hanotin et au MRC celui de Montreuil Nord, avec Frédéric Molossi.
Les régionales de 2010 consacrent l'imprégnation de l'abstention dans le département.
On ne recense en effet que 256 456 suffrages exprimés (seulement un gros tiers du corps électoral) avec une gauche structurée autour du PS (71 602 voix, 27 ,92 %), des Verts (37 396 voix, 14,58 %), du Front de Gauche (29 889 voix, 11,26 %).
A droite l'UMP ne retrouve que 49 048 voix (19,13 %) et le FN amorce sa remontée avec 31 365 voix (12,33 %).
Aux cantonales 2011, on constate de nouveau une lutte sévère entre Front de Gauche et PS, lutte qui, poursuivant l'objectif d'accroître la majorité socialiste du Conseil général, conduit en fait à la réduction de l'écart entre groupe socialiste et groupe issu du Front de Gauche.
Le Front de Gauche reprend en effet le canton d'Aubervilliers Est avec Pascal Beaudet face à la sortante PS Evelyne Yonnet (épouse du maire Jacques Salvator) et celui de Montreuil Ouest avec Bélaide Beddredine.
Le PS échoue à garder son siège d'Epinay sur Seine et de mauvais reports de votes privent le Front de Gauche du siège de Villepinte.
Sur 30 élus de gauche avant renouvellement, on se retrouve avec 29 élus (13 Front de Gauche, 16 PS et EELV), le gain du canton du Raincy par le PS venant en partie compenser ses pertes.
Mais l'un des événements principaux est tout de même le fait que plusieurs cantons ont vu des duels à gauche au second tour (Aubervilliers Est, Saint Denis Nord Ouest, Montreuil Ouest, Romainville) dans un contexte de faible participation.
Tout cela nourrit un contentieux qui ne peut manquer d'interpeller et qui nourrit sans doute une bonne partie de la situation d'aujourd'hui.
Arrive la présidentielle 2012.
Résultats ?
Inscrits 740 536
Votants 544 019
Exprimés 533 915
Le corps électoral séquano dionysien a donc augmenté de 4,6 % en cinq ans (moyenne nationale 3,5 %) mais le nombre de suffrages exprimés est en baisse.
A gauche
Poutou 4 936, 0,92 %
Arthaud 2 708, 0,51 %
Mélenchon 90 710, 16,99 %
Hollande 206 537, 38,68 %
Joly 11 781, 2,21 %
TOTAL 316 672, 59,31 %
Bayrou 32 661, 6,12 %
Cheminade 1 259, 0,24 %
A droite
Dupont Aignan 6 978, 1,31 %
Sarkozy 104 010, 19,48 %
Le Pen 72 335, 13,55 %
TOTAL 183 323, 34,34 %.
D'une présidentielle l'autre, ce qui marque évidemment est la progression de la gauche.
Celle ci gagne en effet 59 740 voix et treize points et demi sur le premier tour de 2007, réalisant même un score très proche, en termes de votes obtenus, du total du second tour de cette année là  !
Il faut croire que les Séquano Dionysiens sont sans pitié quand il s'agit de sanctionner ceux qui ont déçu parce que François Bayrou perd les deux tiers de ses votes de 2007 et que Nicolas Sarkozy laisse en route plus de cinquante mille suffrages.
La progression de Marine Le Pen (une vingtaine de milliers de voix sur le score de son père) est plus faible que la déperdition subie par le sortant et, globalement, plus faible aussi que sa progression sur l'ensemble du pays.
Résultat : alors que le 93 se situait 1,4 point au dessous du score de Jean Marie Le Pen, il se retrouve en 2012 4,35 points au dessous.
Sarkozy, dont le score 2007 était inférieur d'un peu plus de quatre points à sa moyenne nationale est à plus de sept points.
La prime au candidat socialiste s'améliore : 8,26 points en 2007, 10,05 points en 2012 et touche notamment les villes à direction communiste.
Enfin, le candidat du Front de Gauche retrouve une influence importante, avec un résultat, en pourcentage, représentant 1,53 fois le pourcentage national.
A noter qu'en 2007, ce rapport était de 1,83 et donc nettement plus distendu.
Cependant, dans l'équilibre des forces à gauche, on remarque que la position du PS s'est relativement réduite, passant en effet de près de 74 % des voix de gauche en 2007 à un peu plus de 65 % en 2012.
Et les deux tiers de la progression globale de la gauche se font sur d'autres candidatures que celle de François Hollande et, singulièrement, celle de Jean Luc Mélenchon, qui gagne plus de 70 000 suffrages sur le score de Marie George Buffet.
Je ne suis donc pas partisan d'en conclure, comme l'excellent Laurent de Boissieu dans la Croix, que la position du PCF et de toute alliance dont il serait partie prenante est appelée à disparaître dans la « banlieue rouge ».
Qu'elle soit en réduction, parfois, je le conçois aisément et il faudra sans doute encore quelques temps pour que la gauche que nous pourrions qualifier de « radicale » ou de « révolutionnaire » puisse reprendre des positions comme Pantin, Aubervilliers, le siège de Villejuif ou Colombes.
Mais j'ai l'impression qu'outre un élargissement relatif de l'électorat du Front de Gauche au regard de l'électorat communiste, il existe aussi une part d'électorat (qu'on peut estimer à ce qui surpasse la simple addition des anciens votants d'extrême gauche, même si ce ne sont pas les mêmes en fait) qui peut voter Front de Gauche, ou a pu le faire lors de la présidentielle et qu'il importe, en quelque sorte, désormais de « fidéliser ».
Le PS est confronté au même problème : près de 86 000 électeurs de Ségolène Royal n'avait pas voté PS lors de la législative suivante (soit tout de même plus de 45 % des électeurs royalistes!).
Et les législatives allaient donc, une fois passé un second tour triomphal pour François Hollande obtenant dans le département l'un de ses scores les plus élevés, donner quelques indications de plus.
Au premier tour, ce 10 juin, chute de la participation et du nombre des exprimés.
On passe en effet de 533 915 exprimés au premier tour de la présidentielle à 358 052 au premier tour des législatives.
Une baisse de près d'un tiers du nombre de suffrages (32,9 % au total) qui modifie les données du problème.
A gauche, le Front de Gauche recueille 63 921 suffrages (17,85 %) quand le PS en obtient 126 961 (35,46 %).
EELV, pour sa part, réunit 10 235 voix (2,86 %) sur ses candidats autonomes et 7 503 voix (2,10 %) sur la candidature appuyée par le PS de Stéphane Gatignon.
Ce qui fait un total de 17 738 suffrages (4,96 %).
Sans candidature commune avec le PS, les Verts avaient obtenu 13 135 voix (3,5 %) en 2007.
Au total, donc, les forces de la gauche parlementaire sont largement dominantes en Seine Saint Denis, avec un pourcentage de 58,27 %, équivalant aux 57,88 % du premier tour de la présidentielle le 22 avril.
Le tout avec un Front de Gauche progressant légèrement en pourcentage, tandis que le PS se tasse un peu, autant parce que quelques voix ont alimenté les candidats DVG proches de lui que la candidature EELV de la 11e circonscription.
1 698 suffrages (0,47 %) sont ainsi allés sur des candidats de cette nature.
Le fait est que, cette fois ci, le PS a mieux canalisé l'électorat de la présidentielle.
Même en prenant en compte le cas de la 11e, où il soutenait le candidat EELV, le rapport entre suffrages Hollande et suffrages PS le 10 juin est d'environ 61 %, c'est à dire que la déperdition s'est quelque peu réduite.
Exemple éminemment important : celui de la seconde circonscription, avec Saint Denis.
En 2007, la candidate PS avait réuni 2 790 voix là où Ségolène Royal avait rassemblé plus de 11 000 voix.
En 2012, le candidat PS obtient 4 997 voix là où Hollande faisait 10 590 voix.
C'est ce différentiel et cette meilleure « captation » de l'électorat présidentiel du PS qui est à la base du résultat.
Et comme il est toujours plus facile de rester mobilisé quand on a gagné...
Comme on le voit, la majorité des électeurs dionysiens de la présidentielle sont restés à la maison
Et comme dans le même temps, le candidat sortant a perdu 675 voix sur Saint Denis au regard de 2007 et 525 sur l'ensemble de la circonscription par rapport au score de Mélenchon, on voit de suite ce qui a pu faire la différence.
D'un côté, probablement, une organisation en développement ou, pour le moins, déployée et de l'autre, un mélange entre usure relative et organisation insuffisamment engagée et le résultat est là .
C'est à dire que contrairement à 2002 ou 2007, où Patrick Braouezec avait regagné des voix sur les suffrages du candidat communiste, il n'a pas réussi à le faire cette année dans les mêmes proportions, la préemption sur l'électorat présidentiel du PS étant moins importante.
Pour ce qui concerne le Front de Gauche, qui obtient en Seine Saint Denis son meilleur résultat national, les résultats sont donc partagés.
Ainsi, Hayat Dhalfa, candidate sur la première circonscription, termine en seconde position et améliore sa performance de 2007 en gagnant 416 voix et 1,56 %.
Pour autant, elle ne retrouve qu'environ la moitié des voix Mélenchon.
Pour le PS Bruno Le Roux, le gain est plus net : plus de trois mille voix de plus qu'en 2007 mais plus de cinq mille voix de moins aussi que François Hollande le 22 avril.
Marie George Buffet, dans une configuration différente, gagne tout de même 529 voix sur la présidentielle, alors que la candidate du PS perd plus de 10 000 voix Hollande du 22 avril.
Jean Pierre Brard, comme nous l'avons vu, est devancé par Razzy Hammadi (qui aura enfin trouvé un point d'élection) mais il ne lui manque que 874 voix Mélenchon du 22 avril quand le candidat PS perd plus de 7 000 voix sur le total Hollande à la même date.
Tito Asensi, pour sa part, surpasse de 2 878 voix le nombre de voix Mélenchon tandis que Stéphane Gatignon, avec 7 503 voix, ne retrouve pas les 17 747 voix Hollande/Joly du premier tour de la présidentielle.
La déperdition est donc de plus de 57 % des électeurs du 22 avril.
Intéressons enfin au cas de la cinquième circonscription.
Voici en effet ce qui sera peut être le seul siège que la droite et le centre vont garder alors même que la gauche y fut majoritaire tant le 22 avril que le 6 mai.
Hollande y fit 17 097 voix, la candidate PS, Milouda Latrèche, venue de Conflans Sainte Honorine, y réalise 6 103 voix, soit une déperdition de près de 65 % de l'électorat présidentiel.
Mélenchon y obtint 7 301 voix, mais Abdel Sadi, le candidat de la législative n'en retire que 5 588, soit un peu plus de 76 %.
Tout au plus peut on remarquer que la perte de votes Front de Gauche est moindre que la baisse générale du nombre des exprimés et permet donc une amélioration du score.
Effondrement du FN : perte de 3 838 voix sur la présidentielle pour la candidate, Herminia Fardeau, qui n'a pas du pouvoir porter le poids du score de Marine Le Pen, au demeurant inférieur de deux points à sa moyenne nationale.
Division des Verts, passant de 592 Ã 276 voix et sous la barre du un pour cent.
Explosion en vol du Modem au dessus du Bourget avec 260 voix là où Bayrou en faisait 2 338 (perte de 8 électeurs sur 9).
Reste le cas de Jean Christophe Lagarde.
Sarkozy avait 7 738 voix, il en obtient 12 868, soit un bonus de 4 930 suffrages apparemment prises au FN, au Modem et sans doute aussi à la gauche.
Compte tenu de la baisse du nombre des votants, le sortant aura du avoir quelque chose comme 5 300 voix.
La différence est donc de 7 600 environ.
3 900 voix Le Pen + 2 000 voix Modem + 11 000 voix PS, voilà sans doute de quoi nourrir la performance.
En tout cas, la preuve qu'une législative est toujours une alchimie particulière...
C'est là , cependant, une exception pour une droite séquano dionysienne qui plafonne à 55 666 voix (15,55 %) pour l'UMP, 24 012 voix (6,71 %) de centre droit et 42 258 voix FN (11,80 %).