de vudeloin » Ven 6 Jan 2012 21:28
Nous allons désormais aborder les trois dernières circonscriptions du département, qui se trouvent, de surcroît, être toutes les trois détenues par la gauche.
Des modifications de découpage sont intervenues en 1986, mettant notamment un terme à l’existence d’une circonscription regroupant les deux villes de Vitry sur Seine et Ivry sur Seine mais on rappellera que, parmi les députés de cette partie de l’ancienne Seine banlieue, nous avons eu quelques éminentes personnalités, notamment du PCF, longtemps en position de force dans cette banlieue Sud proche.
Ainsi, Ivry Vitry ont eu longtemps comme député Maurice Thorez, secrétaire général du PCF de 1930 à 1964, ou encore Georges Gosnat, lui-même fils de Venise Gosnat, élu ivryen, et père de l’actuel député maire d’Ivry sur Seine.
De même, Villejuif eut, en 1936, comme député le journaliste, poète et peintre Paul Vaillant Couturier, dont la veuve, Marie Claude Vaillant Couturier, reprit le mandat, si l’on peut dire, tout au long de la Quatrième République puis de 1962 à 1973 avant de passer le flambeau au Secrétaire général du PCF, Georges Marchais.
Un autre élu communiste a marqué l’histoire du secteur et notamment d’Ivry sur Seine, c’est Georges Marrane.
Ce mécanicien d’origine normande (il était Lovérien), fut élu maire d’Ivry en 1925 (la ville n’a pas changé de couleur politique depuis, nonobstant la période de l’Occupation) et le resta donc jusqu’en 1939, conduisant une politique municipale « communiste » comme la représentation en a souvent été faite : ouverture de dispensaires pour les familles modestes, construction de logements sociaux, création de colonies de vacances pour les enfants, etc…
Il présidera le Conseil général de la Seine dès 1936/37, le Front Populaire ayant largement gagné les élections de conseillers généraux et d’arrondissement dans les années précédentes.
Engagé dans la Résistance intérieure dès l’interdiction du PCF, Georges Marrane fera partie du Comité parisien de Libération qui accueillera le Général de Gaulle à l’Hôtel de Ville de Paris le 25 août 1944.
Il reprit, par la suite, ses fonctions de maire d’Ivry sur Seine et ne les abandonnera qu’en 1965, ayant donc accompli en deux fois un total de trente quatre années de mandat à la tête de la municipalité ivryenne.
Membre de l’Assemblée consultative provisoire, représentant le Front National pour l’indépendance de la France, connu sous le nom de « Front National « (nom repris par qui l’on sait, sans le moindre rapport avec l’original !), Georges Marrane sera, à la Libération, élu Conseiller de la République pour le département de la Seine (actuel Sénat), laissant, au seul bénéfice de l’âge, la Présidence au Palais du Luxembourg au démocrate chrétien Auguste Champetier de Ribes.
Il exercera, un temps, des fonctions ministérielles comme Ministre de la Santé Publique du gouvernement Ramadier au début 1947.
Après un mandat de dix ans au Luxembourg, il sera élu député de la Seine et Vice Président de l’Assemblée en janvier 1956.
Dernier point saillant de sa carrière politique : sa candidature, au nom du PCF, au poste de Président de la République lors du scrutin de 1958 où le Général de Gaulle sera élu, dès le premier tour, par un collège restreint de grands électeurs, correspondant, peu ou prou, au collège sénatorial actuel.
On rappellera qu’Albert Châtelet, éminent mathématicien de la Faculté des Sciences de la Sorbonne, fut, dans ce scrutin, le candidat de l’Union des Forces Démocratiques, ensemble regroupant les forces de la gauche non communiste défavorable à la création de la Cinquième République.
L’UFD regroupait notamment les militants SFIO en rupture de ban avec leur parti à cause du soutien à De Gaulle comme à la cause de la colonisation en Algérie, mais aussi des syndicalistes de la CFTC ou de la FEN, les uns se rapprochant de la « déconfessionnalisation », les autres de la diversité tendancielle qui a longtemps accompagné la vie du syndicalisme enseignant.
L’UFD, d’une certaine manière, fut la matrice du Parti socialiste unifié (PSU), réponse parmi d’autres à «l’usure » du modèle de la SFIO.
Pour conclure sur un dernier point avec Georges Marrane, rappelons que son nom a été donné au Tournoi international de handball organisé dans le département chaque année, réunissant plusieurs équipes (au début, assez souvent venues de l’Est de l’Europe) et « piloté » par le club de l’Union Sportive d’Ivry, l’une des places fortes de ce sport où la France s’illustre singulièrement depuis quelques années.
D’autres personnalités politiques ont marqué, également, cette partie du département et notamment celle du député maire socialiste d’Alfortville Joseph Franceschi, personnalité assez originale de son parti, organisateur du service d’ordre de la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1974 et .1981 et qui sera Ministre délégué à la Sécurité publique.
Autre personnalité, bien plus controversée : celle de Marcel Capron, député maire communiste d’Alfortville avant guerre (il fut notamment élu en 1932 et en 1936) qui quittera le PCF en septembre 1939, après l’interdiction du Parti, suite au pacte germano soviétique, et se commettra dans la collaboration avec l’occupant, comme quelques autres élus PCF de la Chambre du Front Populaire.
Il sera ainsi, de 1941 à la Libération, le maire nommé par Vichy à la tête de la municipalité d’Alfortville.
Marcel Capron ne sera pas abattu par la Résistance comme le sera Marcel Gitton, le député de Pantin, mais son comportement collaborationniste le mènera à l’indignité nationale et à la privation, à vie, de tous ses droits civiques.
Quant à la droite, elle a quelque peine, je dois bien l’avouer, à avoir, dans le secteur de personnalités marquantes.
Car, même en tenant compte de quelques élus de gauche dont le souvenir n’est pas forcément aussi vivace que les quelques noms que je viens de rappeler, comme l’ancien Sénateur maire socialiste de Cachan Jacques Carat (maire de la ville de 1953 à 1998), Marcel Trigon, suppléant de Georges Marchais et maire d’Arcueil de 1964 à 1997 (les longs stages, cela semble une marque de cette partie du département), Louis Dolly, maire de Villejuif de 1945 à 1977, Jacques Laloë, maire d’Ivry sur Seine de 1965 à 1998, difficile de trouver quelque élu de droite ayant le même parcours.
Tout au plus, aussi étrange que cela puisse paraître, peut on mettre un peu en exergue le cas du docteur Lacroix, maire du Kremlin Bicêtre de 1947 à 1983 sous deux étiquettes différentes.
De 1947 à 1971, le docteur Lacroix, tout en menant une politique municipale aussi soucieuse de la situation de la population que ses voisins communistes, se fit élire avec une liste SFIO constituée « contre » le PCF, qui avait gagné l’Hôtel de Ville à la Libération, après une déjà longue présence de la gauche aux affaires municipales.
(la première mairie socialiste du Kremlin Bicêtre date en effet de 1895)
Le docteur Lacroix se positionna, en 1971 et 1972, comme quelques autres de ses confrères élus SFIO de banlieue (Georges Dardel et Charles Ceccaldi Raynaud à Puteaux, Bonaventure Leca et Raymond Menand à Issy les Moulineaux, Maurice Dolivet à Fontenay aux Roses, Georges Suant à Antony, le docteur Hovnanian à Saint Gratien ou Claude Bigel, successeur désigné d’André Mazurier à Arnouville les Gonesse), contre la signature du Programme commun de la gauche avec le PCF.
Ce qui fit de lui l’un des pères fondateurs du Parti social démocrate, formation qui comptait parmi ses membres des élus comme Max Lejeune, député maire d’Abbeville à l’époque (qui finira doyen du Sénat), Etienne Gagnaire, maire de Villeurbanne ou encore Paul Alduy, député maire de Perpignan (dont le fils vient d’être battu aux élections sénatoriales de septembre 2011) et Charles Baur, ancien maire de Villers Cotterêts et Président du Conseil régional de Picardie (il avait passé accord, pour ce faire, avec le FN) et qui est aujourd’hui fondue dans le Nouveau centre…
Cette longue parenthèse historique refermée (elle me semblait utile pour donner quelques éléments de mesure de la situation politique locale), passons à l’examen de ces trois circonscriptions.
La neuvième circonscription comporte les cantons d’Alfortville Nord et Sud (respectivement 25 942 et 18 336 habitants, sur le territoire de la ville éponyme, à direction PS), ceux de Vitry sur Seine Est et Ouest (respectivement 27 451 et 27 359 habitants, municipalité à direction PCF).
La logique du siège est connue : si l’écart que le PS crée vis-à-vis du PCF sur Alfortville est important, l’avance du PCF sur le PS à Vitry n’est pas suffisante pour éviter que le PS n’obtienne le siège.
Le PCF a, de fait, disposé du siège entre 1993 et 1997 (sur le fond, la position du siège à gauche de l’Assemblée Nationale n’est pas discutable) que parce que le PS était, en mars 1993, dans les « plus basses eaux « de son histoire.
C’est alors Paul Mercieca, maire de Vitry, qui avait occupé la fonction, remplaçant René Rouquet, maire d’Alfortville, élu en 1986, et qui reprit le siège en 1997, pour ne plus le céder.
En 2007, René Rouquet fut d’autant plus élu député qu’il parvint en tête sur Alfortville (avec 46,5 % des voix) et à Vitry (avec 30,7 %).
Une situation dont nous retrouverons trace dans les municipales 2008.
Sur Alfortville, l’élection 2008 fut pratiquement une formalité pour la liste de René Rouquet.
L’offre politique était pourtant large : sept listes, dont les listes d’Union de la gauche et de l’UMP, une liste DVD, une liste Modem et trois listes d’extrême gauche (NPA/LCR, Chômeurs et PT/POI) étaient proposées aux suffrages des Alfortvillais.
Ce qui n’a pas empêché la liste de gauche d’être élue au premier tour avec 6 429 voix (52,3 %), devant celle de l’UMP, 2 336 voix (19 %), puis celle des divers droite, 1 174 voix (9,5 %) et la liste du Modem, 992 voix (8,1 %).
Les trois listes d’extrême gauche ont cumulé 1 366 suffrages (11,1 %).
A Vitry sur Seine, la situation a donné quelques désirs au PS local et l’élection a été marquée à la fois par une primaire à gauche et un éparpillement des listes, puisque neuf équipes de 49 noms étaient proposées aux suffrages des Vitriots.
Ce qui nous donne tout de même 441 candidats et candidates parmi 44 849 électeurs inscrits.
Outre la liste PCF d’Alain Audoubert et la liste PS de Jean Pierre Bourjac (avec la participation des Verts et du MRC), la droite présentait une liste officielle de l’UMP avec, en chef de file, le candidat de la législative 2007 Emmanuel Njoh et une liste dissidente, menée par l’ancien candidat aux élections législatives Fernand Saal, une liste Modem, deux listes d’extrême gauche (LCR et PT), une liste divers menée par un ancien conseiller d’opposition, Jean Marc Aubert, venu du quartier Balzac Les Montagnards et une liste DVG, animée notamment par des candidats issus de l’immigration.
Au premier tour, la liste du PCF arrive en tête avec 8 552 voix (41,7 %) devant la liste PS – Verts – MRC, 4 899 voix (23,9 %).
La liste du PCF arrive en tête dans les trois cantons de la ville.
Elle obtient 2 900 voix (41,1 %) dans le canton Ouest contre 1 603 (22,7 %) pour la liste PS et réalise 2 651 voix (40,4 %) contre 1 666 (25,4 %) dans le canton Est.
Lors des législatives de 2007, neuf mois auparavant, René Rouquet avait devancé la candidate communiste Evelyne Rabardel en réalisant 2 343 voix (30,7 %) contre 1 214 (15,9 %) dans le canton Ouest et 2 124 voix (30,7 % également) contre 1 204 (17,4 %) dans le canton Est, où la candidate du PCF est conseillère générale et dont l’élu fut, vingt cinq années durant, Michel Germa, Président du Conseil général du Val de Marne.
Derrière les deux listes en compétition pour la mairie, ce fut la soupe à la grimace.
Parce qu’il lui manquait 180 voix environ, le candidat UMP Emmanuel Njoh se trouva éliminé du second tour, n’obtenant que 1 871 voix (9,1 %).
La liste UMP fut notamment victime de son faible score (7,3 %) dans le canton Nord.
Il devançait la liste de Jean Marc Aubert, éliminé avec 1 585 voix (7,7 %), cette liste ne dépassant les 10 % que dans quatre des 47 bureaux de vote de la ville et ne réalisant d’ailleurs pas un très bon score dans le canton Est.
Vint ensuite la liste de Fernand Saal, 1 068 voix (5,2 %), avec un seul score supérieur à 10 % dans un bureau de vote.
La liste de la LCR obtint 1 014 voix (4,9 %), celle du Modem 952 voix (4,6 %), la liste du PT 352 voix (1,7 %) et la liste DVG 225 voix (1,1 %).
La situation ayant privé les listes de droite de toute possibilité d’accord et de fusion au second tour, la liste de gauche rassemblée (une gauche allant de LO au PRG) obtint 12 300 suffrages (100 %) et la totalité des 49 élus du conseil municipal.
Pour bien mesurer la situation de la droite, il faut se rappeler qu’en mai 2007, Nicolas Sarkozy avait reçu le suffrage de 13 669 Vitriots (39,6 %), ce qui constituait tout de même une authentique performance.
On sait, depuis septembre 2011, que la disparition de la droite au conseil municipal de Vitry a constitué l’une des causes de la perte d’un siège par la majorité du Sénat dans le Val de Marne.
Cantonales 2008
Mars 2008 a aussi vu les trois cantons vitriots renouveler leur conseiller général.
Des trois sortants d’alors, seule Eliane Hulot, élue dans le canton Nord, ne s’est pas représentée, au terme de vingt trois ans de mandat.
Dans le canton Est, Evelyne Rabardel, sortante PCF, est arrivée en tête du ballottage avec 1 972 voix (31 %), devançant de peu le candidat PS Rémi Chicot, 1 822 voix (28,8 %).
Derrière, Emmanuel Njoh, pour l’UMP, obtient 936 voix (14,7 %), et se retrouve éliminé, pour cause d’abstention (plus de 54 %).
415 voix FN (6,5 %) et 333 voix Modem (5,2 %) complètent à droite, tandis qu’une Verte obtient 457 voix (7,2 %) et la chef de file de la liste DVG 122 voix (1,9 %).
Enfin, l’un des colistiers de Jean Marc Aubert obtient 297 voix (4,7 %).
Dans le canton Ouest, le sortant est alors Jacques Perreux, ancien Secrétaire général de la Jeunesse Communiste, responsable des questions d’environnement à la direction du PCF.
Il arrive nettement en tête au premier tour, avec 3 031 voix (44,8 %) devant la candidate commune au PS et aux Verts, Isabelle Agier, en position 2 sur la liste Bourjac, qui recueille 1 497 voix (22,1 %).
Le candidat UMP arrive 3e avec 846 voix (12,5 %), devant le candidat du FN, ancien candidat de droite classique, avec 498 voix (7,3 %), un colistier de Jean Marc Aubert, 486 voix (7,2 %) et le candidat du Modem, 414 voix (6,1 %).
Dans les deux cas, la réélection des sortants au second tour se fait sans opposition, puisqu’ils se sont retrouvés seuls candidats.
Alfortville Nord votait également en 2008.
C’est le candidat PS Luc Carvounas, Premier secrétaire de la Fédération PS du Val de Marne et désormais Sénateur, qui est arrivé en tête avec 2 851 voix (41,1 %), loin devant le candidat UMP, 1 209 voix (17,4 %), celui du Modem, 902 voix (13 %), une candidate DVD, 735 voix (10,6 %), une candidate Verte, 657 voix (9,5 %) et le candidat du PCF, 576 voix (8,3 %).
Cantonales 2011
Seul votait le canton d’Alfortville Sud.
La candidate PS Isabelle Santiago est arrivée en tête dans ce quartier marqué par la présence de la communauté arménienne.
Elle obtient, dans un contexte de forte abstention, 1 404 voix (41,4 %) devançant le candidat du FN, Edouard Fontana (engagé à Vitry Ouest en 2008 et déjà, sur Alfortville Sud en 2004), 654 voix (19,3 %).
Suivent le PCF, 426 voix (12,6 %), l’UMP, 377 voix (11,1 %), les Verts, 340 voix (10 %), un candidat d’extrême gauche, 130 voix (3,8 %) et un divers droite, 60 voix (1,8 %).
Sur 2004, l’UMP perd 640 voix, le PS 518 voix, les Verts 23 voix, le divers droite 172 voix.
Le PCF gagne 26 voix, le FN 63 voix.
Au second tour, élection sans problème majeur d’Isabelle Santiago, avec 2 626 voix contre 1 021 pour le FN, soit un rapport de 72/28.
Depuis 2007, la situation politique de Vitry a toutefois connu une évolution, avec le départ de Jacques Perreux du PCF et son adhésion à Europe Ecologie Les Verts dont il est, avec le maire d’Arcueil Daniel Breuiller, l’un des deux conseillers généraux dans le Val de Marne.
Pour autant, a-t-il été suivi par ses électeurs lors des régionales, où se marqua nettement la mutation (il figurait en deuxième position sur la liste EELV du Val de Marne, derrière Cécile Duflot) ?
Cela reste à prouver.
Alfortville a voté en faveur de la liste PS, avec 3 584 voix, tandis que la liste EELV a obtenu 1 410 voix (le même nombre que celle de l’UMP) et que celle du Front de Gauche est arrivée à 708 voix.
A Vitry sur Seine, la liste PS est arrivée en tête avec 4 448 voix (28 %) devant la liste du Front de Gauche, 3 191 voix (20,1 %) et celle de EELV, 2 316 voix (14,6 %).
On a donc une situation plutôt favorable à la simple réélection du député PS sortant, même si le contexte local montre aussi un tassement relatif de l’influence de ce parti sur les deux villes et une certaine vigueur du vote en faveur du Front de Gauche.