de vudeloin » Ven 8 Avr 2011 14:44
La présence du Front National lors des élections cantonales des 20 et 27 mars trouve application dans l’ensemble des 402 cantons où le parti lepéniste a concouru lors du second tour.
Ce qui doit immédiatement amener à se demander quels sont les cantons, dans cet ensemble, où il a pu dépasser la nouvelle barre de qualification ( celle des 12,5 % des inscrits ), ceux où il s’est situé entre 10 % ( ancienne norme ) et 12,5 % et, enfin, ceux où sa qualification tient à sa position d’arrivée du premier tour, c'est-à -dire le plus souvent la seconde, permettant une qualification par repêchage dans un contexte global de forte abstention.
On se rappellera que, lors du précédent renouvellement sur la même série cantonale, le FN avait réussi à présenter 280 candidats environ ( en fait il avait 281 qualifiables et 278 engagés au second tour ), tous ayant comme particularité, à quelques exceptions, d’avoir dépassé la barre fatidique des 10 % des inscrits.
En 2011, le Front National s’est donc trouvé au second tour engagé dans 402 cantons en ballottage.
56 de ces cantons ont vu le candidat du Front National dépasser la barre des 12,5 % des inscrits et 129 de plus celle des 10 %.
Ce qui fait 185 cantons où le FN dépasse les 10 % ( environ 9 % des cantons renouvelables cette année et près du dixième de ceux renouvelables en France métropolitaine, le parti lepéniste n’ayant pas de représentation Outre Mer, malgré quelques tentatives dans le passé ).
On est donc sur un profil global où une bonne centaine de cantons manquent à l’appel, compte tenu de la performance 2004, soit parce que le score de l’époque n’y a pas été renouvelé, soit parce que la performance alors atteinte n’a pas été reproduite, soit encore parce que, comme tous les autres partis, le Front a subi les effets de la progression sensible de l’abstention qui a réduit d’un tiers le nombre des bulletins valides dans les urnes cantonales en sept ans.
Nous verrons si ce tassement éventuel de l’influence du FN, en termes de voix et d’inscrits, va de pair ou non avec son élimination ou sa qualification en 2011 au regard de 2004.
LE CAS DES 56 CANTONS LES PLUS FAVORABLES AU FRONT NATIONAL
Les 56 cantons les plus favorables au Front National sont assez nettement déterminés sur le territoire national et recoupent, pour l’essentiel, les zones de forces devenues « traditionnelles « du parti lepéniste.
Par Région administrative, cela donne en pratique les données suivantes ( nous avons classé les Régions au regard du nombre de cantons concernés ).
Languedoc Roussillon : 14 cantons.
Ce sont les cantons de Carcassonne 1, Coursan, Lézignan Corbières, Pont Saint Esprit, Roquemaure, Saint Chaptes, Saint Mamert du Gard, Vauvert, Béziers 3, Béziers 4, Capestang, Ganges, Servian, Perpignan 9 (Bas Vernet).
Dans 11 de ces 14 cantons, le FN dépasse le nombre de ses voix de 2004 et tire parti, dans presque tous les cas, d’une perte d’influence de l’UMP et de la droite parlementaire, à l’exception notable du canton de Coursan – où la droite n’avait pas de candidat en 2004 –, de celui de Lézignan et de celui de Ganges.
Dans 10 cantons, le FN était déjà au second tour en 2004.
Dans ceux de Lézignan et de Ganges, il se retrouve au second tour face à un sortant PS élu au premier tour en 2004 et dans ceux de Servian et de Perpignan 9, il se substitue à la droite parlementaire au second tour – dans le second cas, le siège était UMP sortant -.
Une certaine forme de continuité géographique se trouve d’ailleurs dans la liste de ces cantons puisque, par exemple, quatre des cinq cantons héraultais concernés sont dans l’arrondissement de Béziers et quasi contigus.
Provence Alpes Côte d’Azur : 13 cantons
Ce sont les cantons de Cagnes sur Mer Centre, Nice 11, Allauch, Tarascon, Marseille La Capelette, Marseille Les Olives, Brignoles, Fréjus, Rians, Saint Raphaël, Six Fours les Plages, Bédarrides, Carpentras Nord.
Outre que deux de ces cantons sont ceux que le FN a gagné au second tour, on notera qu’il s’agit, le plus souvent, de cantons littoraux dans les Bouches du Rhône, le Var ou les Alpes Maritimes ou de cantons de la vallée du Rhône ( Tarascon, Bédarrides, Carpentras Nord )
Notons d’emblée que les cantons provençaux de Tarascon, de Bédarrides ou de Carpentras ( d’ailleurs mitoyens ) sont voisins des deux cantons d’Orange tenus par la famille Bompard, mais aussi des cantons gardois de Roquemaure et de Pont Saint Esprit, le tout se plaçant dans la continuité des cantons de Pierrelatte ( Drôme ) et Viviers ( Ardèche ) que nous allons retrouver un peu plus tard…
Le FN était présent, soit en triangulaire, soit en duel, lors du second tour dans 11 de ces cantons en 2004.
Il ne se retrouve au second tour que dans deux cantons PS : Allauch et Rians, où le scrutin de l’époque s’était terminé au premier tour.
Dans le cas d’Allauch, le FN était arrivé second en 2004.
Franche Comté : 5 cantons
Il s’agit des cantons d’Etupes, Montbéliard Ouest, Pont de Roide, Champagney et Héricourt Ouest.
Sur un plan géographique, la situation est simple : les cinq cantons se situent dans une quasi continuité, et procèdent tous de ce que l’on peut appeler le pays « Peugeot «, par référence à l’usine de Sochaux et aux établissements voisins d’Héricourt par exemple.
Sur un plan politique, les 5 cantons avaient déjà un candidat FN au second tour de 2004, engagé en triangulaire dans quatre cas et en duel dans le 5e, ce qui signifie que le FN tire pleinement parti de la baisse, sinon de la disparition ( Champagney ) de la droite parlementaire.
Champagne Ardennes : 5 cantons
Il s’agit des cantons d’Arcis sur Aube, Bouilly, Marcilly le Hayer, Nogent sur Seine et Saint Dizier Ouest.
Les quatre cantons aubois encadrent l’agglomération troyenne, l’un au Nord, deux autres vers l’Ouest et le troisième au Sud Est tandis que le canton bragard confirme la présence du FN dans un secteur ( le pays du Der ) où les effets des délocalisations industrielles se font ressentir dans les comportements électoraux.
Même si le pourcentage de votes n’atteint pas les 12,5 % des inscrits, les deux autres cantons haut marnais favorables au FN sont ceux de Saint Dizier, et l’influence du Front se fait également ressentir dans le premier canton meusien voisin ( celui d’Ancerville ) comme dans les cantons marnais les plus proches ( Thiéblemont Farémont, Vitry le François ou encore Saint Rémy en Bouzemont – Saint Genest et Isson où le candidat lepéniste est battu au premier tour mais avec 13,26 % des inscrits en sa faveur ).
Sur Arcis, Bouilly, Nogent et Saint Dizier, le FN était déjà engagé au second tour en 2004.
Sur Marcilly, où le candidat UMP avait été élu au premier tour, il était arrivé 2e.
Picardie : 4 cantons
Il s’agit des cantons de Fère en Tardenois, Mouy, Noyon et Rue.
Dans les cas de Fère, Mouy et Noyon, le FN était déjà qualifié en 2004.
Il était même sortant dans le canton de Noyon où il avait été battu.
Dans le cas du canton de Rue, situé en baie de Somme, nous sommes en présence du canton où l’influence de CPNT fut l’une des plus fortes dans le passé.
Le parti des chasseurs avait en effet atteint jusqu’à 27 ou 28 % dans ses meilleures années dans ce canton connu pour être l’un de ceux où l’on pratique le plus la chasse au gibier d’eau.
Nord Pas de Calais : 3 cantons
Il s’agit des cantons de Cambrin, Montigny en Gohelle, Vimy.
Sans surprise, il s’agit de trois cantons du Pas de Calais, plutôt orientés vers l’ex bassin minier, même si Vimy est dans l’entre deux entre ce bassin ( une bonne part des communes du canton sont dans l’agglo de Lens Liévin ) et le pays arrageois. Un entre deux quelque peu tragique en 1917, comme le rappellent bien des monuments…
Pour Cambrin et Montigny, le FN confirme sa prédominance sur la droite ( elle était même absente sur Cambrin ) et il la supplante sur le canton de Vimy où elle était pourtant sortante.
On pourra évidemment s’étonner du faible nombre de cantons où le FN dépasse le seuil des 12,5 % dans cette région mais il convient tout de suite de souligner qu’il dépasse les 10 % dans 17 autres cantons nordistes ( 6 dans le Nord et 11 dans le Pas de Calais ).
Bourgogne : 2 cantons
Il s’agit des cantons de Saint Jean de Losne et de Pont sur Yonne.
Dans les deux cas, le FN était qualifié en triangulaire en 2004 et dans les deux cas, la droite parlementaire a été éliminée cette année.
On notera que le canton de Pont sur Yonne se situe dans l’exact prolongement du canton seine et marnais de Villiers Saint Georges.
Centre Val de Loire : 2 cantons
Il s’agit des cantons de Lorris et de Sully sur Loire.
Ces deux cantons, pas tout à fait ruraux, pas tout à fait urbains, se situent dans le Loiret.
L’un, Lorris, avait déjà un candidat FN en 2004 et l’autre, Sully, avait réélu son conseiller général de droite au premier tour. Le FN y avait talonné le PS en obtenant 18,5 % des voix ( 11,7 % des inscrits ).
A noter dans cette région que le FN n’a qualifié qu’un seul candidat en Eure et Loir, sur Dreux, avec un pourcentage inférieur à 10 % des inscrits d’ailleurs.
Lorraine : 2 cantons
Il s’agit des cantons d’Ancerville et de Fraize.
La faible participation déclasse la totalité des cantons de Moselle et de Meurthe et Moselle de ce tableau, même si on retrouve sept cantons dans la catégorie comprise entre 10 et 12,5 % des inscrits pour la Région.
Pour le canton d’Ancerville, nous sommes dans l’orbite de Saint Dizier, déjà relevée pour Champagne Ardennes.
Pour le canton de Fraize, nous sommes dans un canton ouvrier, limitrophe de l’Alsace et du pays déodatien. Sur l’autre versant, c’est Sainte Marie aux Mines, Lapoutroie, la vallée de Munster.
Dans ce cas précis, le FN supplante la droite parlementaire qui perd 40 % de ses voix de 2004…
Rhône Alpes : 2 cantons
Il s’agit des cantons de Viviers et de Pierrelatte.
Ces deux cantons se situent de chaque côté du Rhône, l’un dans l’Ardèche, dans un secteur marqué par le chômage et l’autre dans la Drôme, dans un canton historiquement de droite – et même de père en fille, puisque le siège est détenu par Marie Pierre Mouton, fille de Jean Mouton, seul président de droite du conseil général de la Drôme connu et maire de Pierrelatte pendant 32 ans – et dont l’un des élus s’appelle Eric Besson, maire de Donzère, ex PS devenu animateur des Progressistes, groupuscule associé à l’UMP, et ancien Ministre de l’Immigration.
En 2004, le FN était engagé dans les deux cantons au second tour, au travers d’une quadrangulaire à Viviers et d’une triangulaire à Pierrelatte, la droite étant donc éliminée dans le premier cas et la gauche dans le second.
7 autres cantons rhonalpins ont permis au FN d’obtenir le soutien de 10 % des inscrits au moins et d’être qualifié pour le second tour.
Aucun de ces cantons n’est situé dans les villes de Lyon, Grenoble, Saint Etienne, Chambéry ou Annecy, entre autres grandes cités de la Région, ni même sur Villeurbanne, Vaulx en Velin ou Valence.
Ce qui n’empêche cependant pas la qualification du FN dans certains de ces cantons urbains, du fait de sa position au premier tour.
Ile de France : 2 cantons
Ce sont les deux cantons seine et marnais de Lizy sur Ourcq et de Villiers Saint Georges.
Dans les deux cas, il s’agit de cantons où 2004 avait été marqué par une triangulaire avec présence du FN même si, cette année, la gauche a été éliminée sur Villiers Saint Georges et battue, alors que sortante, sur Lizy.
Un canton aquitain ( celui de Pauillac en Gironde ) et un canton alsacien ( celui de Niederbronn les Bains dans le Bas Rhin ) complètent la liste des 55 cantons où le FN dépasse les 12,5 % des inscrits.
Dans le cas du canton alsacien, le FN était qualifié en 2004, avec le même candidat d’ailleurs.
Dans celui de la Gironde, il a investi comme candidat son ancien député Jacques Colombier qui a réussi à supplanter l’UMP au second tour face au PS sortant.
QUELLES CONCLUSIONS TEMPORAIRES ?
13 des 22 Régions ont donc au moins un candidat FN nanti d’un score au moins égal à 12,5 % des inscrits aux cantonales 2011.
5 autres Régions ( Auvergne, Bretagne, Limousin pour 1 canton, Haute Normandie pour 4 et Midi Pyrénées pour 6 ) comptent au moins un qualifié FN doté d’au moins 10 % des inscrits.
Enfin, quatre Régions ( Corse, Basse Normandie, Pays de Loire et Poitou Charentes ) n’ont soit pas de candidat FN au second tour, soit un ou des candidats qualifiés avec moins de 10 % des inscrits.
55 des 56 cantons les plus favorables au FN se situent à l’Est de la ligne Caen Perpignan que nous avons déjà dessinée.
173 des 185 cantons où le FN dépasse les 10 % des inscrits et se qualifie pour le second tour sont dans le même cas.
Mais, surtout, nous avons défini les zones de force du parti : le secteur de l’ex bassin minier du Nord Pas de Calais, l’Est du Bassin Parisien ( 5 des 6 cantons franciliens où le FN dépasse 10 % des inscrits sont en Seine et Marne ) et notamment le pays de Saint Dizier, l’Alsace Moselle ( 5 des 8 cantons lorrains où le FN dépasse 10 % des inscrits sont situés dans le 57 ), le pays de Montbéliard, la vallée du Rhône et, surtout, le littoral méditerranéen.
L’implantation du FN dans d’autres régions procède parfois le proximité avec Paris, comme dans l’Eure, le Loiret ou encore l’Oise.
Ainsi, le FN était présent au second tour dans les cantons mitoyens de Gaillon, Ecos, Etrépagny et les Andelys dans l’Eure – tous cantons qui procèdent pour certains aspects de la grande banlieue parisienne -. Ou encore dans les cantons de Creil Nogent, de Chantilly, de Senlis, de Chaumont en Vexin, tous cantons proches de l’Ile de France et dont les habitants vont souvent y travailler.
Mais ailleurs, de manière générale, la présence du FN s’avère parfois un peu fortuite, et doit beaucoup à ce qui semble bien l’élément clé du score atteint aux cantonales, c'est-à -dire une très forte mobilisation de cet électorat au regard de la mobilisation des autres électorats.
Le FN n’a pas retrouvé au premier tour toutes les voix du premier tour de 2004 mais il semble avoir moins subi que les autres les effets de la démobilisation électorale et il semble bien qu’il y ait quelque lien entre une participation réduite et par conséquent plutôt concentrée sur l’électorat le plus âgé et les performances globales du parti.
Qui a surtout été fort dans ses points forts.
Sur les 56 cantons où il dépasse les 12,5 %, il était déjà présent dans 46 cantons au second tour et doit plusieurs qualifications au fait que les sortants n’ont pas atteint les 25 % des inscrits.
Sur les 185 cantons où il dépasse 10 %, il était présent au second tour dans 156 d’entre eux, confirmant donc sa relative implantation dans tous ces secteurs.
Pour savoir s’il remplace ou non la droite parlementaire dans l’esprit de l’électorat, peut être que le simple fait de rappeler que le FN, sur ses 56 meilleurs cantons, s’opposait à la gauche dans 34 cas plus deux triangulaires suffit à montrer ce qui peut apparaître comme une évidence.
Quant aux 185 cantons, ils donnent 113 duels Gauche – FN, 7 triangulaires et 65 duels Droite – FN.