Cher Denis,
La presse nationale n'évoque quasiment jamais la possibilité d'un Sénat à gauche pour deux raisons, principalement:
- le Sénat est supposé ne pas intéresser le grand public qui aurait du mal à situer son rôle dans nos institutions. Il est vrai aussi qu'un président socialiste du Sénat gênerait Sarkozy mais ne déclencherait pas une cohabitation pour autant. Donc très peu d'enjeux visibles
- la presse manque cruellement d'"analystes", elle s'intéresse davantage aux "petites phrases" et aux rapports de force entre la centaine d'hommes politiques les plus visibles médiatiquement, mais rarement à la géographie politique, qui est bien plus passionnante.
Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que je travaille en presse quotidienne régionale
Je pense également que le Sénat a de bonnes chances de basculer en septembre 2011. L'arithmétique jouera un grand rôle, mais elle ne doit pas nous aveugler lorsqu'on fait de la prospective électorale.
Deux exemples du scrutin de 2008: le Calvados et le Cantal.
Dans le Calvados, où trois sièges, tous de droite, étaient renouvelables au scrutin uninominal à deux tours, on pouvait s'attendre à ce qu'au moins un ou deux bascule à gauche. Surtout après la victoire socialiste aux municipales de mars à Caen, grosse pourvoyeuse de grands électeurs. De même, depuis 1992, la gauche a grignoté 11 cantons à la majorité de droite. Pourtant, la droite a tenu le choc et ses trois sortants ont été réélus.
Dans le Cantal, petit département presque totalement verrouillé par la droite, où deux sièges sont pourvus au scrutin uninominal à deux tours, la gauche a créé la surprise en enlevant un siège à la droite. C'est un PRG, Jacques Mézard, qui a été élu. Un PS aurait-il pu réussir à sa place? Je n'en suis pas sûr, au vu des reports de droite. A mon avis, la personnalité a ici davantage joué, bien que des changements géopolitiques semblent se dessiner dans ce département (
http://artisans-politologues.blogspot.com/2008/12/mais-que-se-passe-t-il-donc-dans-le.html).
Faire des projections maintenant pourrait s'avérer hasardeux, même en tenant compte des municipales de 2008 (contre-exemple de Caen). Il faudrait attendre mars 2011 et les résultats des cantonales, pour voir comment seront rebattues les cartes. Pas tant numériquement (les conseillers généraux pèsent peu dans le scrutin) qu'au niveau des rapports de force. Certains petits élus attendront en effet de savoir qui tient le manche localement pour se décider.
La poussée de la gauche pourrait aussi être accentuée par la réforme des collectivités locale. La fin de la taxe professionnelle va mécontenter les élus, et les fusions de cantons acceléreront ce phénomène. Il est d'ailleurs possible que des listes de conseillers généraux fusionnés se montent, ajoutant de la confusion.
Ensuite, il ne faut pas évacuer l'effet proportionnelle. Les créations de sièges et les changements de seuil ont mécaniquement favorisé la gauche depuis 1998, puisque la droite avait davantage à perdre. A contrario, ce phénomène a aussi favorisé la droite dans des gros départements de gauche, comme le Puy-de-Dôme.
Les points chauds à surveiller en septembre 2011: Loir-et-Cher, Loire, Loire-Atlantique, Marne, Mayenne, Meuse, Nord, Pyrénées-Atlantiques.
Manu