l'Extrême droite et les régionales

[Jean-Philippe]

Nouvelle mauvaise nouvelle pour le FN : après la dissidence du Parti de la France (crée en février 2009 et mené par Carl Lang, ancien n°1 du FN au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais), qui a fait perdre au FN un grand nombre de cadres, les difficultés viennent d'un nauveau parti, le Bloc Identitaire.
Ce dernier, crée samedi 17 octobre, va participer aux régionales dans plusieurs régions, en se greffant à d'autres listes d'extrême droite. Il va notamment rejoindre la liste baptisée "Ligue du Sud" et conduite par le maire d'Orange, Jacques Bompard (MPF, ex FN), en Provence-Alpes-Côte-d'Azur (Paca).
Une autre, baptisée "Ligue du midi", dans le Languedoc-Roussillon est déjà annoncée.
Une liste "Alsace d'abord" doit être présentée dans cette région comme en 2004 (9,4%) : les identitaires y participeront probablement. Ce dernier prévoit des listes dans d'autres régions.

La dispersion risque d'empêcher le FN d'accéder au second tour dans certaines régions où il ne dépasserait pas les 10% fatitiques. En 2004, la dissidence mégretiste du MNR l'avait privé de second tour dans les Pays-de-la-Loire. Le total de 17 régions avec un FN au second tour aura beaucoup de mal à être atteint, et peut-être même approché.

[Artisan-Politologue]

Ca va de toutes façons être difficile pour le FN, même si Marine Le Pen a réalisé un beau coup, ou tout au moins une belle tentative, avec l'affaire Frédéric Mitterrand.
Pour revenir à l'analyse de Jean-Philippe, la division de l'extrême-droite en Alsace est endémique depuis 1992. Alsace d'Abord peut même se targuer d'avoir un conseiller général (Christian Chaton, à Sainte-Marie-aux-Mines), ce que n'a plus le FN depuis la dissidence mégrétiste à Mulhouse.
En prenant en compte les résultats de 2004 pondérés par les derniers scrutins, je pense que l'extrême-droite fera dans les 15 % dans cette région, et si Alsace d'Abord garde son étiage de 2004, le FN ne sera pas au second tour, ce qui facilitera la victoire déjà attendue de l'UMP.
Pour les autres régions, les seules ou le FN peut ou pouvait prétendre à un second tour (même méthode de calcul):
- en Bourgogne, où on peut l'estimer à 13 %, il pourrait provoquer une triangulaire préjudiciable à la droite. Cette dernière devrait, pour l'emporter, s'allier au MODEM (à mon avis pas plus de 9 %)
- même configuration pour le Centre - Val-de-Loire, 13 %, triangulaire, défaite de la droite sauf si alliance avec le MODEM, mais celui-ci pourrait être tenté de faire cavalier seul. Il est bien mieux implanté qu'en Bourgogne et devrait lui aussi faire dans les 13 %
- en Champagne-Ardenne il pourrait atteindre les 15 % mais la gauche est structurellement trop faible pour empêcher l'UMP de remettre la main sur cette région
- en Franche-Comté, où je l'estime à 14 %, son pouvoir de nuisance sera au maximum, et devrait empêcher l'UMP de gagner
- en Languedoc-Roussillon, l'extrême-droite devrait peser pareil. Si la Ligue du Midi dépasse les 4 %, tout peut être possible au second tour dans un contexte de fréchisme diviseur de la gauche
- en Lorraine, le FN pourrait atteindre les 15 %. Maintien au second tour dans tous les cas, reste à savoir ce que fera le MODEM qui est pas mal implanté et pourrait faire dans les 12 %
- en Nord-Pas-de-Calais, Marine Le Pen pourrait faire jusqu'à 16 %. La question est de savoir quel niveau atteindra Carl Lang, qui est tout de même assez connu dans la région. Dans tous les cas le PS l'emportera
- en Basse-Normandie, il pourrait faire 11 %, se maintenir, mais il ne déplacera pas suffisamment de suffrage pour contrer l'avance de la droite
- en Haute-Normandie, on peut l'estimer à 14 % là aussi maintient mais au profit du PS
- en Picardie il pourrait monter jusqu'à 18 % et sacrément gêner la droite qui devra pour l'emporter s'allier au MODEM (+ ou - 10 %). Mais l'incertitude règne concernant les reports des suffrages CPNT des précédentes régionales, le mouvement étant structurellement fort dans cette région
- en Provence - Alpes - Côte-d'Azur, l'extrême-droite pèse dans les 19 % mais le bon score attendu de Bompard dans le Vaucluse devrait complètement brouiller les cartes. Le maire d'Orange ne cache pas son hostilité à l'alliance avec l'UMP. Tout serait donc possible
- en Rhône-Alpes, je l'estime à 14 %, et en lieu et place d'une triangulaire on pourrait assister à une quinquangulaire, le MODEM pouvant prétendre à un score de 11 % et Europe Ecologie de 12 %.
Nous sommes loin du maintien dans 17 régions. A mon avis plutôt entre 10 et 13... Estimation haute!

Manu

[Jean-Philippe]

Pour revenir aux difficultés du FN, j'ai regardé comment avait évolué le groupe des conseillers FN dans les 17 régions concernées :
en Alsace, 6/8 élus en 2004 sont au FN aujourd'hui
Aquitaine : 7/7
Bourgogne : 3/6 (1 élue a quitté le FN pour le MPF en 2006, mais a démissionné en 2008 pour cause de cumul)
Centre : 3/9
Champagne-Ardennes : 6/6
Franche-Comté : 4/5 (un élu a quitté le groupe en mai 2008, puis a rallié le groupe UMP comme apparenté en janvier 2009)
IDF : 9/15
Languedoc-Roussillon : 7/8
Lorraine : 7/9
Midi-Pyrénées : 8/8
Nord-Pas-de-Calais : 3/16
Basse-Normandie : 1/5
Haute-Normandie : 0 ou 2/6 (0 selon Paris-Normandie du 17 septembre)
Picardie : 4/8
Poitou-Charente : 3/3
PACA : 11/19 (scission notamment du Front régional en oct 2008 avec 4 élus et notamment la tête de liste régionale de 2004)
Rhône-Alpes : 18/18

soit 100 ou 102 sur 156 élus en 2004 sont encore au FN
l'objectif pour le FN va être de garder ces 100 élus, mais cela va être très difficile (les 9 élus d'IDF sont quasi perdus)

voici les régions où je pense que le FN atteidra les 10% : PACA, Rhône-Alpes, Franche-Comté, Alsace, Lorraine, Bourgogne, Centre, Haute Normandie, Champagne-Ardenne, Picardie et Nord-Pas-de-Calais, soit les 11 régions où l'extrême droite a dépassé les 15% au premier tour de 2004.
En Basse Normandie où il avait atteint 14% en 2004, la dissidence de F Le Rachinel, bien implanté, lui sera probablement fatale. Celui-ci est en effet candidat pour le PDF de Carl Lang. Ce dernier sera probablement candidat dans sa région du Nord-Pas-de-Calais. Jean Verdon, tête de liste FN en 2004, l'est déjà dans le Centre. D'autres listes dissidentes du PDF sont annoncées en Picardie et Haute Normandie.

[Denis]

Je m'étonne de l'affirmation sur Bompard. Sur le plan strictement tactique, l'UMP a tout intérêt à empêcher le FN d'atteindre la barre lui permettant de maintenir sa liste. Si Bompard rogne sur le FN, c'est tout bénéfice pour l'UMP. Rappelons tout de même le nouveau positionnement de de Villiers. Je ne suis pas loin de penser que l'UMP a suscité la liste Bompard et toutes celles qui se présentes comme dissidentes du FN pour éviter le franchissement de la barre fatidique des 10%.

[Jean-Philippe]

Il semble que les relations entre le baronnet vendéen et le transfuge orangiste, président du MPF dans le Vaucluse, ne soient pas au beau fixe depuis le ralliement du premier au panache blanc présidentiel. Le second, lui, affirme «Je suis cohérent avec mes idées et mon engagement politique. Nicolas Sarkozy n'a pas tenu ses promesses de campagne, notamment sur l'identité nationale, la sécurité et le pouvoir d'achat. Il est donc hors de question que je fasse une liste commune avec l'UMP dans ma région.»
Philippe de Villiers a, pour ménager les suceptibilités et ne pas insulter l'avenir, laissé le secrétaire général du MPF, Patrick Louis, démentir tout soutien de leur parti à la liste de Jacques Bompard. «Le MPF en prend acte mais ne reconnaît pas la liste Ligue du Sud comme une liste du MPF», a annoncé Patrick Louis.
A noter que l'appelation "Ligue du Sud" est inspirée de la Ligue du Nord italienne, c'est-à-dire d'une extrême droite de gouvernement. La différence est (provisoirement peut-être) le refus de s'allier avec l'UMP comme en Italie avec le parti berlusconnien, lui aussi (presque) entièrement soumis au chef, "duce" en italien.

[Jean-Philippe]

D'après un sondage pour la région Rhône-Alpes (http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/rhonesalpesoway.pdf), 56% des électeurs FN du premier tour qui voteraient au second pencheraient à gauche, ce qui montre l'ampleur du vote sanction.
Ce serait l'une des premières fois que l'on observerait cela de manière aussi claire. Cependant, en 2004, les reports des voix du FN dans les 5 régions où il n'était pas présent au second tour (Bretagne, Pays-de-la-Loire, Limousin, Corse, Auvergne) n'ont pas profité à l'UMP.
exemple : dans les Pays-de-la-Loire, la liste de gauche a gagné 244 063 voix entre les deux tours (de 518 475 à 762 497) tandis que le total UMP (450 560) et UDF (169 252) au premier tour (619 812) en gagne seulement 74 101 au second tour.
Or on compte 62691 suffrages exprimés en plus. Si on considère pour simplifier que tous ces suffrages supplémentaires profitent à la liste de gauche, de même que les 84567 voix pour la liste LO-LCR, il manque 96805 voix qui viennent de l'UDF et de l'extrême droite divisée.

Le fait que le FN ne soit présent au second que dans dix régions environ va rendre ce phénomène plus visible et donc plus commenté par les journalistes. En IDF, cela va nuire à Pécresse et contribuer à la faire chuter.

[Jean-Philippe]

Petit récapitulatif des régions où le FN va affronter des petites listes pouvant lui faire perdre des voix :
12 régions où DLR va présenter des listes (ce parti fait partie de ce que l'on peut appeler "l'Arc républicain", mais sa présence peut détourner du FN des électeurs de droite mécontents), les régions où le PdF va faire de même (au moins 2), celles où d'autres listes d'extrême droite sont annoncées, celles où des listes de dissidents de l'UMP se présentent
Cette liste est exhaustive (je pense), mais non définitive

Alsace : Alsace d'Abord
Auvergne : DLR
Bourgogne : DLR
Champagne-Ardennes : DLR
Franche-Comté : DLR et liste dissidente de l'UMP Jean-François Humbert
Ile-de-France : DLR
Languedoc-Roussillon : DLR, Ligue du Midi, liste UMP dissidente de Christian Jeanjean
Lorraine : DLR
Midi-Pyrénées : DLR
Nord-Pas-de-Calais : DLR
Haute-Normandie : DLR et PdF
Picardie : DLR et PdF
Poitou-Charente : DLR
PACA : DLR et Ligue du Sud
Rhône-Alpes : liste "Spartacus"

Le nombre de régions où le FN va disparaître de l'assemblée locale à cause de ces listes (quand le FN sera entre 9 et 10% notamment) risque de dépasser les 3 de 2004.

[Artisan-Politologue]

Merci à Jean-Philippe pour ce tableau général de la situation de l'extrême-droite et de la droite extrême.
Je suis un peu plus réservé sur la Franche-Comté. Jean-François Humbert ayant été l'une des bêtes noires du FN dans les années 90, il devrait davantage mordre sur le centre que sur l'extrême-droite.
En revanche, ça va être un sacré bazar en Languedoc-Roussillon, seule région où l'extrême-droite ne s'est toujours pas remise de la dissidence mégrétiste et où la droite RPR puis UMP est plus musclée que dans le reste du pays. Ajoutez à cela la présence de Frêche, qui fera sans doute fuir une partie de la gauche vers le FG ou EE, voire le MoDem, au premier tour, mais captera plus de voix FN au second que la droite (Jean-Claude Martinez n'a-t-il pas déclaré que "Frêche aura toujours un bol de soupe chaude au FN?"), et cela promet une belle foire d'empoigne.

Manu

[Jean-Philippe]

C'est vrai que la "Septimanie" va intéresser beaucoup de monde : je ne connaissais pas cette citation de Martinez (ex FN), mais elle expliquerait les sondages de deuxième tour favorables à Frêche. Si le FN ne réussit pas à se maintenir au second tour, il fera tout pour faire chuter l'UMP, ici comme ailleurs, mais surtout dans ses anciens bastions de la moitié Est du pays.
Je commence à me dire que le FN ne pourrait être présent au second tour que dans une poignée de régions, étant donné ces nouvelles listes et les résultats aux élections partielles :
régions où le FN sera là avec certitude : Nord-Pas-de-Calais
probablement : Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine, Franche-Comté, Languedoc-R, Picardie, PACA
peut-être : le Centre, Haute-Normandie, Rhône-Alpes
non (presque) catégorique : les 5 régions où il était absent en 2004, plus l'IDF, l'Aquitaine, Poitou-Charente, Midi-Pyrénées, Basse-Normandie
Donc 8 (à mon avis) contre 17 en 2004, l'hémoragie va continuer et Marine va hériter d'un champ de ruines qui va en plus se transformer en champ de bataille avec un peu de chance.

[Hashemite]

Je ne partage pas entièrement l'analyse que les listes dissidentes extrême-droite feront chuter le FN dans tous les cas. certes, ils prendront des voix au FN, mais les mouvements d'extrême droite non-FN se sont démontré plutôt faible sauf si ils avaient un leader très bien connu avec un implantation locale très forte (je parle de Megret et du MNR a Vitrolles). Voir le score du PDF aux européennes: 1-1.5% a peu-prés c'est loin du compte. Je me souviens que on disait que la concurrence de Carl Lang pourrait se prouver fatale a Marine Le Pen dans le nord-ouest!

DLR est plus fort, avec environ 2-3% dans les régions de l'est, qui pourraient prendre quelques voix au FN qui pourrait empêcher le FN d'atteindre la barre des 10%.

Concernant les régions ou le FN fera plus de 10% au premier tour, je partage quasi-entièrement l'analyse de Jean-Philippe.