Allez, opérons un tour d’horizon rapide des forces en présence avant cette élection législative partielle qui pourrait avoir lieu en avril. Elle concerne donc la 10ème circonscription du département du Nord qui couvre les deux tiers de la ville de Tourcoing ainsi que cinq communes périurbaines de la vallée de la Lys (1). Depuis 2012, elle était détenue par Gérald Darmanin (Les Républicains) qui vient de démissionner après avoir été élu conseiller régional.D’ores et déjà, le duel fratricide qui se dessine entre Les Républicains
Gustave Dassonville, maire d’Halluin, et
Vincent Ledoux, maire de Roncq et proche de
Gérald Darmanin, risque bien d’entacher singulièrement l’atmosphère à droite.
Fort de son élection à la mairie en 2014 après avoir délogé les socialistes en place depuis 1989, puis au conseil départemental l’an passé en évinçant là-aussi le PS du nouveau canton de Tourcoing 1 (2), Dassonville s’annonce incontournable. D’autant plus, et il ne s’en prive pas de le souligner, qu’il est le premier magistrat de la deuxième commune la plus peuplée de la circonscription après Tourcoing (près de 21000 habitants), Roncq étant la troisième (plus de 13000 âmes). Du coup, il entend bien se présenter et pas seulement à la candidature. Preuve de son appétence, il a déclaré que s’il est élu au printemps puis réélu en juin 2017, il se démettrait de ses fonctions de conseiller départemental et de maire, tout en demeurant au conseil municipal.
Darmanin contestéCette « déclaration de guerre » émise par Dassonville bouleverse les plans de Darmanin qui comptait bien transmettre le flambeau à Ledoux même s’il avait prévu de réunir les militants au préalable. Dans ces conditions, l’édile tourquennois ne pouvait que très mal réagir : « C’est totalement scandaleux de la part de Dassonville » (3), ajoutant : « Il n’aura jamais l’investiture de Paris. Il faut que ses amis lui disent qu’il va se faire étriller. Prendra-t-il le risque d’être minoritaire dans sa ville ? Déjà qu’il n’y a pas fait un bon score aux élections départementales... » (4). Aussi, pour s’opposer au « félon », il se tient prêt à endosser le costume de suppléant du candidat LR officiel à sa succession. Ca promet !
Cette énième bataille à droite n’est pas à négliger. Elle illustre le premier vent de révolte contre la personnalité hégémonique de Darmanin à qui tout réussit depuis 2012, devenant ainsi successivement député, maire, enfin secrétaire général adjoint aux élections chez LR.
Indécision au PS Coté Parti socialiste,
Michel-François Delannoy, maire de Tourcoing entre 2008 et 2014, désormais chef de file de l’opposition de gauche, ne devrait pas être de la partie. Démotivé, il n’a toujours pas digéré sa défaite aux élections municipales face à Darmanin. Candidate lors du dernier scrutin en recueillant 45,12%,
Zina Dhamani, conseillère municipale d’opposition à Tourcoing, n’est pas non plus intéressée.
Le PS national pourrait imposer son choix qui privilégierait une femme, une personne issue de la diversité, un militant d’un autre parti de gauche ou encore une personnalité de la société civile. Echaudée par le catastrophique parachutage de 2007 imposant la candidature de
Najat Azmi, fidèle de
Ségolène Royal, qui ne totalisa que 41,44% (5), la section de Tourcoing souhaite un candidat du cru, plutôt de sexe féminin et qui se représenterait en 2017.
Pour le moment, sont pressentis de tout autres profils, incarnés par ces deux hommes que sont :
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Vincent Lanoo, 45 ans, qui baigne activement dans le milieu politique depuis 1992, comme en attestent ses multiples mandats : conseiller régional de 2008 à 2010 ; conseiller général du canton de Tourcoing Nord-Est de 2010 à 2015 ; conseiller municipal du groupe majoritaire à Tourcoing de 1995 à 2008 ; premier adjoint au maire de Tourcoing de 2008 à 2014 ; conseiller municipal d’opposition à Tourcoing depuis 2014 ; conseiller communautaire de Lille Métropole Communauté urbaine puis de la Métropole européenne de Lille à partir de 2001.
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Jérémie Meurisse, 47 ans, proche des frondeurs, qui disposait d’une faible notoriété avant d’être élu brillamment en juin 2015 comme secrétaire de la section de Tourcoing, rassemblant quelques 82% des suffrages. Très aubryiste jusqu’aux municipales de 2014, celle-ci avait voté au niveau fédéral pour l’autre Martine, en l’occurrence
Martine Filleul, soutenu par
Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et ennemi juré d’...
Aubry.
Filleul au demeurant ainsi que la section d’Halluin, dirigée par
Jean-François Caron, se prononceront également sur le choix du candidat à la députation, qui devrait porter les couleurs non seulement du PS mais aussi celles d’Europe Ecologie Les Verts, trop justes financièrement pour partir seuls à l’abordage.
Candidat aux législatives de 2012 dans cette 10ème circonscription, pareillement président du groupe au conseil municipal de Tourcoing pour le compte du Front national,
Jean-François Bloc n’est pas certain de remettre le couvert. En effet, on murmure que les dirigeants frontistes préféreraient un candidat plus malléable à ce franc-tireur qui n’hésite pas à critiquer sa formation, à l’image des dernières municipales, ce qui, avouons-le, n’est pas banal à l’extrême droite.
La droite en son jardinMalgré ses sempiternelles querelles intestines, d’un autre âge, la droite partira favorite au regard du contexte national qui lui est favorable et de la dégringolade de la gauche dans la métropole lilloise, excepté bien sûr l’inexpugnable citadelle de la ville centre. Mais un autre facteur joue en faveur de la droite : l’évolution importante de la sociologie de la circonscription, avec l’irruption depuis la fin du siècle dernier de catégories socioprofessionnelles aisées, en particulier sur les communes périurbaines de l’agglomération tourquennoise. La ville frontalière d’Halluin, dénommée jadis « Halluin la Rouge », aujourd’hui commune résidentielle, en est un témoignage éloquent.
De ce fait, il ne surprendra personne que cette circonscription se soit donnée à la droite depuis 2002 sans discontinuer, et même à la droite extrême, incarnée par l’indigne
Christian Vanneste, chassé opportunément par Darmanin en 2012 après avoir exercé pas moins de… trois mandats (1993-1997, 2002-2007 et 2007-2012) ! Quand la cité du Broutteux et la vallée de la Lys perdaient alors le Nord...
G.F.(1) Dans cette 10ème circonscription du département du Nord, les deux tiers de la ville de Tourcoing correspondent aux anciens cantons, assez populaires, de Tourcoing Nord et Tourcoing Nord-Est. Quant aux cinq communes périurbaines de la vallée de la Lys, de plus en plus cossues, elles ont pour noms Bousbèque, Halluin, Linselles, Neuville-en-Ferrain et Roncq.
(2) Le nouveau canton de Tourcoing 1 regroupe une fraction de Tourcoing et les communes d’Halluin, Neuville-en-Ferrain et Roncq. Il correspond aux anciens cantons de Tourcoing Nord et Tourcoing Nord-Est, détenus pour la dernière fois par le PS entre 1998 et 2015.
Tourcoing Nord intégrait notamment une partie de Tourcoing ainsi que les communes d’Halluin et de Roncq. Quant à Tourcoing Nord-Est, il englobait une autre partie de Tourcoing et la commune de Neuville-en-Ferrain.
(3) Les propos tenus par
Gérald Darmanin (Les Républicains) ont été recueillis par
Jean-François Rebischung dans « Nord Eclair », en date du samedi 2 janvier 2016 :
http://www.nordeclair.fr/accueil/tourco ... 0b0n983453(4) Les propos tenus par
Gérald Darmanin (Les Républicains) ont été recueillis par
Geoffroy de Saint Gilles dans « Nord Eclair », en date du jeudi 7 janvier 2016 :
http://www.nordeclair.fr/info-locale/le ... 0b0n987778(5)
Najat Azmi avait été parachutée aux élections législatives de 2007 alors même qu’une candidate avait déjà été choisie par les militants socialistes.
Un autre reportage, réalisé par
Geoffroy de Saint Gilles, toujours pour le compte de « Nord Eclair », en date du lundi 4 janvier 2016, est centré sur la candidature de
Gaston Dassonville (Les Républicains) :
http://www.nordeclair.fr/info-locale/le ... 959n985096