de Relique » Jeu 20 Jan 2011 23:54
Je ne suis pas (encore) un expert, mais je m'y connais un petit peu en économie.
Le problème avec la dette publique, ce n'est pas simplement la dette publique. Qu'un Etat ait 20% ou 120% de dette publique, dans l'absolu, ça ne change rien. Le problème, c'est l'investissement dans le pays. Va-t-il être stable, oui, non ? Pour cela, il faut garantir aux investisseurs que le pays est économiquement viable. Et pour cela, beaucoup se tournent vers les agences de notation, qui donnent des notes aux pays. Celles-ci ne sont ni des organismes indépendants (par exemple, qui pourraient dépendre du FMI ou de la banque mondiale), ni des organismes d'Etat. Ils sont privés, et donc incontrôlables (ou alors très peu, mais vu que nous sommes en plein néolibéralisme, on ne peut rien contrôler du tout).
Le problème avec ces agences de notation et avec la rapidité (je dirai même l'instantanéité) de l'économie actuelle, c'est que dès qu'une note est dégradée (par exemple, parce que les agences de notation trouvent que la dette est trop forte, ou d'autres raisons bien plus obscures), les investisseurs freinent en masse les investissements dans le pays "dégradé".
Ce freinage presque immédiat entraîne une perte de la valeur des obligations d'Etat, qui sont difficilement vendables. Mais les monnaies sont aussi attaquées, se déprécient. Et même si la dépréciation de l'Euro est souhaitable (un Euro fort est mauvais pour nos exportations, donc pour l'industrie, et favorise donc les délocalisations), une dépréciation subie est moins bonne qu'une dépréciation voulue grâce, par exemple, à une action sur la "planche à billet" (qui permet ainsi de débloquer des fonds pour des investissements, alors que la dépréciation d'une monnaie n'entraîne pas de possibilité d'investissements pour les Etats).
Ces spéculations sur les dettes et les monnaies des Etats sont négatives pour les Etats, et entraînent de plus forte "dégradation" des agences de notation. Un cercle vicieux, en quelque sorte.
C'est pour cela que, dans une économie sans spéculation, ou alors dans une économie où les banques centrales achètent les bons du trésor des pays endettés, et où les Etats peuvent 'battre monnaie' (ce qui leur permet d'ailleurs de rembourser plus facilement des dettes), l'endettement ne serait pas un mal, au contraire. Il permettrait de plus lourds investissements qui pourraient, ensuite, rapporter gros aux économies (en relançant l'emploi par exemple).
Mais dans nos pays, l'endettement n'est pas conjoncturel. C'est, structurellement, une faiblesse des gouvernements qui voulaient "ne pas trop s'endetter", mais qui devaient quand même s'endetter pour faire quelques politiques spectacles en plus du nécessaire. Et ces endettements là n'étaient pas vraiment (voire pas du tout) une relance de l'économie (car trop petits, et pas adaptés à une vraie relance). Aussi, ils n'ont fait qu'endetter la France et ne pas lui permettre de lancer un grand emprunt quand elle en avait besoin, en 2008. Les lois européennes empêchent désormais les pays soit de défendre leur dette (la BCE ne rachète pas les titres de dettes, alors qu'elle a racheté les titres qui avaient amené Wall Street dans une crise phénoménale en 2008), soit de rembourser plus facilement leurs emprunts en "battant monnaie".
Voila pourquoi, aujourd'hui, l'endettement est mauvais pour nos sociétés: les investisseurs agissent comme une boule de neige lorsque les agences de notation dégradent un pays, et les Etats ne peuvent pas agir pour stabiliser leur dette, ou même la rembourser.
Car il ne faut pas rêver. Ce n'est pas en baissant les dépenses publiques, et donc en baissant la consommation (des fonctionnaires, des personnes aidées etc) ou l'investissement (qui aurait pu avoir lieu avec ces dépenses) qu'on relancera la production en France, au contraire ! Et si cette production est stimulée vers le bas, l'emploi le sera aussi ! Et plus de chômage, ce ne fera qu'empirer l'état de l'économie du pays !!