de vudeloin » Mar 10 Jan 2012 00:52
Nous allons un peu rentrer dans les détails, désormais, parce que les premières impressions, avec ce qu'il faut d'amusement, c'est bien, mais il faut approfondir maintenant...
Premier truc, et c'est là un préalable sur lequel il faudra bien que nous tombions d'accord : c'est que la crise, comme on dit, n'a pas commencé à l'été 2008, mais qu'elle est presque aussi vieille que ma première chemise, puisque j'étais aspirant bachelier que c'était déjà la crise...
Parce que, voyez vous, sauf à considérer que deux millions de chômeurs de catégorie A, huit millions de pauvres, un million et plus d'allocataires du RMI/RSA avant 2008 étaient, tous autant les uns que les autres, la preuve manifeste de la croissance et de la bonne santé de notre économie et de notre société, j'ai bien l'impression que la crise était déjà dans les tuyaux...
Le problème, c'est qu'elle a pris un tour nouveau, avec une sorte de « mûrissement / pourrissement « de la dérégulation financière engagée dès 1969 avec la fin du système de Bretton Woods, largement encouragée par la loi Pompidou Giscard de janvier 1973, fortifiée par la loi bancaire de 1984 et sophistiquée par la construction européenne telle que conçue notamment depuis l'Acte unique jusqu'à la révision du Traité de Rome par Lisbonne, avec les effets qu'on connaît...
Jusqu'à voir nos banques se méfier les unes des autres, à tel point qu'il a fallu que l'Etat français annonce être prêt à s'endetter de 360 milliards d'euros pour d'une part recapitaliser les banques en manque d'atteinte des règles prudentielles fixées par le comité de Bâle et d'autre part assurer la liquidité des échanges interbancaires...
Bon, passons, même si le volume de la dette publique a pris l'ascenseur avec le plan dit de sauvetage des banques (Dieu merci, elles sont sauvées et continuent d'ailleurs de l'être en se décidant à liquider plusieurs centaines et milliers d'emplois, quitte à en faire reporter le coût social à la collectivité, selon le bon vieil adage qui veut, qu'une fois que le mal est fait, ce sont les autres qui s'en occupent) et des différents plans de relance, qui ont consisté, par exemple, à rembourser aux entreprises à peu près toutes les créances qu'elles avaient sur l'Etat (nous y reviendrons un jour) et qui firent, par exemple, qu'en 2009, l'IS apporta zéro euro au budget général pendant tout le premier semestre de l'année.
Revenons en, après cette parenthèse (ne pas oublier que nous sommes lus et que les digressions ont un intérêt réel mais néanmoins en décalage avec le sujet), sur la question des dépenses des collectivités territoriales, dont vous nous dites, Kerxizor, qu'elles sont une cause du déficit de nos comptes publics.
J'avais cru voir que c'était plutôt le contraire, au sens du déficit public tel que défini par l'Europe, mais soit, admettons :)
J'ai eu une appréhension à vous lire, quand vous nous avez cité les chiffres et surtout les pourcentages qui figurent, en toutes lettres (évidemment !) dans le rapport annuel publié par la Direction générale des collectivités locales sur les finances des collectivités locales et que je compulse plus ou moins distraitement (tu parles !) à peu près tous les ans...
Mais, vous nous dites des choses importantes, quand même...
Notamment que les administrations publiques locales (APUL en acronyme de rapports officiels) ont une structure de dépenses ainsi établie.
En 2010, selon le rapport annuel sur l'évolution de la dépense publique annexé au projet de loi de finances pour 2012 (une de mes lectures obligées, je dois dire), nous avons les masses suivantes : 52 % de dépenses de fonctionnement (emplois statutaires, bien entendu, mais aussi contractuels et employés à temps partiel comme les étudiants qui font animateurs de centres de loisirs ou de centres de vacances, dépenses de fonctionnement courantes), 10 % de prestations sociales versées (au demeurant une part en hausse constante depuis dix ans, j'y reviendrai), 18 % de subventions et de transferts courants, 1 % de charges d'intérêt de la dette et 19 % de dépenses d'investissement, même si, sur ce dernier point, je ne suis pas certain qu'il ne faille y inclure l'amortissement des emprunts destinés à financer les équipements.
Eh bien, je vais être très clair, s'il fallait comparer les collectivités locales à une famille ordinaire, rendez vous compte de ce que cela signifierait.
Nous aurions un revenu x dont 1 % (15 euros sur un salaire de 1 500 euros par exemple) seulement serait consacré à payer les intérêts des crédits supportés par le ménage...
Je connais quelques familles, autour de moi, qui voudraient n'avoir que cette somme à consacrer par exemple au paiement des intérêts de leur voiture, de leur maison et/ou appartement, voire les crédits permanents qu'ils doivent souscrire pour faire face au quotidien.
De la même manière, les collectivités (heureusement pour l'économie) ont investi et consacrent près du cinquième de leurs ressources à investir !
Rendez vous compte : exactement comme si notre détenteur d'un revenu de 1 500 euros utilisaient, ou peu s'en faut, 300 euros tous les mois pour acheter des biens de consommation durables !
Finalement, pas si mal gérées que cela, ces collectivités locales...
Maintenant, je vais vous dire quelque chose : oui, on peut réduire les dépenses publiques, notamment celles des collectivités territoriales...
Je vais rentrer dans les détails, un peu, mais pas trop.
Prenons la question du service de la dette locale, qui n'est pas la charge la plus coûteuse des budgets locaux ( nous avons vu, 1 ou 2 % du total de leurs dépenses) mais qui pose des questions simples.
Un, faut il, par exemple, alors même que le principal créancier du service public local, Dexia, est au bord de la faillite et que cette faillite risque de se conclure par une nationalisation dans le plus proche des collectifs budgétaires, que les collectivités disposent d'une plate forme de financement offrant des emprunts à faible taux d'intérêt ou faut il que les collectivités soient amenées à faire le tour d'établissements bancaires qui, bien souvent, ne souhaitent pas accueillir leur clientèle ?
Je pense qu'il faut penser, au plus tôt, à la création d'un établissement public bancaire destiné au financement du développement local qui soit en situation d'alléger les contraintes de financement extérieur, au demeurant inévitables, des collectivités.
Prenons la question de la progression des dépenses locales, de manière générale, depuis 2004.
Ce que vous avez oublié de nous dire, Kerxizor (mais je vous concède que, n'étant pas forcément praticien de la finance publique locale, vous n'y avez pas pensé immédiatement ), c'est que, depuis 2004, la barque des collectivités locales a été un peu chargée par l'Etat qui a ajouté au lourd vaisseau de la décentralisation le financement du RMI/RSA, celui de l'allocation autonomie des personnes âgées, et les transferts de personnels découlant de la décentralisation version Raffarin.
Ce que vous avez ainsi oublié, c'est que la hausse des dépenses induites par ce genre de transferts, c'est du plus pour les collectivités locales, et c'est du moins pour l'Etat (d'ailleurs, cela n'a pas loupé).
Au demeurant, comme je suis toujours interrogatif, je me suis toujours posé la question de savoir pourquoi certaines dépenses, jusque là assumées par l'Etat, étaient transférées aux collectivités locales.
Je suis toujours arrivé à la même conclusion : le moment où les dépenses étaient transférées était, le plus souvent, le plus opportun, celui intervenant juste avant la montée en puissance.
Conséquence : la compensation étant calculée sur la dernière dépense constatée pour le budget général, elle prend vite l'orientation classique en pareil cas, c'est à dire qu'elle s'avère insuffisante pour couvrir la dépense transférée...
Il suffit, par exemple, qu'une renégociation de la convention UNEDIC intervienne pour que le volume de la dépense liée au RSA augmente.
D'ailleurs, en 2003, au moment où l'Etat a transféré le financement du RMI , cela n'a pas loupé!
On a rediscuté du contenu des prestations servies par l'assurance chômage et on a accru d'autant plus le nombre d'allocataires potentiels ( et réels) du RMI...
D'ailleurs, nous avons un étrange système d'allocation chômage, dans ce pays : celui qui veut en fait qu'il vaut mieux ne pas en avoir besoin, puisque le nombre des allocataires bénéficiant réellement d'un revenu de remplacement digne de ce nom se situe sous les 50 %...
Prenons enfin la question des subventions versées par les collectivités (qui en général s'annulent les unes les autres, parce que les dotations de solidarité des EPCI sont souvent une des ressources des collectivités qui se substitue, faut il le préciser, à des recettes fiscales antérieures...).
Que faut il en penser ?
Est ce un bien ? Est ce un mal ?
Un même parlementaire de droite de notre pays peut appeler à la baisse des dépenses publiques (c'est même une antienne de ce point de vue) mais il ne sera sans doute pas le dernier à mettre en évidence l'aide directe qu'il a accordée à un organisme de logement pour construire les logements sociaux dont il a besoin pour respecter la loi SRU..
De la même manière, un conseiller régional UMP peut penser nécessaire de réduire la dépense publique mais pas forcément l'aide que la Région apporte à la SNCF pour favoriser le développement du transport de voyageurs...
Et l'on peut aussi mettre en évidence le fait que le recours aux partenariats public privé augmente les charges de fonctionnement des collectivités locales plus sûrement sans doute que si elles avaient décidé de s'endetter pour faire face aux mêmes besoins, en général des équipements nouveaux...
Donc, méfions nous des apparences mais comme les collectivités territoriales ont créé des emplois depuis trente ans (tant mieux pour la situation générale de notre économie) et qu'elles ne contribuent aucunement au déficit public, il faut juste faire confiance aux élus locaux pour éviter les dérives les plus critiques.
Autrement, vous n'avez pas répondu à ma question : quel est le premier poste de dépenses de l'Etat ?
Et pour le coup, en bonus, quelle est la part des dépenses de santé dans le PIB en France et aux USA ?