de vudeloin » Sam 31 Déc 2011 00:12
Comme nous sommes presque au bout de la présentation des différentes situations locales, voici donc un premier message sur la Nouvelle Calédonie qui élira, comme en 2007, deux députés à l'Assemblée Nationale.
Le siège de la première circonscription est occupé pour le moment par l'élu UMP Gael Yanno, expert comptable et premier adjoint du maire de Nouméa.
Le siège de la seconde circonscription est, pour sa part, parfaitement vacant depuis l'élection de Pierre Frogier au Sénat lors des élections de septembre dernier.
L'élection sénatoriale étant séparée de moins d'un an du renouvellement général de l'Assemblée Nationale, le siège est demeuré vacant.
Pierre Frogier, pour mémoire, a occupé les fonctions de Président de la Province Sud de Nouvelle Calédonie et de Président du Congrès.
Le découpage électoral est à la fois simple et bizarre, dans le cas de la Nouvelle Calédonie.
La première circonscription regroupe en effet la ville de Nouméa, chef lieu et les îles, à savoir l'île des Pins au Sud ( ancienne colonie pénitentiaire) et l'archipel des Loyauté, c'est à dire les trois îles de Maré, Lifou et Ouvéa.
La seconde circonscription regroupe les vingt huit autres communes de Nouvelle Calédonie, dont onze proviennent de l'actuelle province Sud et dix sept autres de la Province Nord, même si l'une d'entre elles (Poya) est partagée entre Nord (pour l'essentiel) et Sud.
Si l'on s'arrête aux aspects purement démographiques, qu'en est il ?
Première circonscription : Nouméa (UMP) 97 579 habitants, Ile des Pins (UMP, avec le Sénateur Hilarion Vendégou) 1 969 habitants, Maré (LKS, Ligue Kanake Socialiste) 5 417 habitants, Lifou (FLNKS, avec le Président de la Province des Loyauté) 8 627 habitants, Ouvéa (FLNKS) 3 392 habitants.
Dans les deux cas, les maires FLNKS sont membres de l'Union Calédonienne.
Le poids particulier de Nouméa dans l'ensemble de la circonscription motive évidemment que l'UMP jouisse a priori d'un avantage dans le maintien de la situation actuelle.
Seconde circonscription : au Sud, Le Mont Dore (UMP) 25 283 habitants, Yaté (indépendantiste) 1 881 habitants, Dumbéa (UMP) 24 103 habitants, Païta (Avenir ensemble, le maire étant le Président du Congrès Harold Martin) 18 358 habitants, Boulouparis (UMP) 2 418 habitants, La Foa (Calédonie ensemble) 3 323 habitants, Sarraméa (FLNKS, Parti de Libération Kanake), 636 habitants, Thio (Calédonie ensemble) 2 629 habitants, Farino (UMP avec soutien FN, la commune étant majoritairement peuplée de Caldoches) 598 habitants, Moindou (Calédonie ensemble, commune reprise au courant indépendantiste en 2008) 704 habitants, Bourail (Calédonie ensemble, avec l'élu centriste Jean Pierre Aifa, maire de la commune depuis 1977, avec une interruption entre 2001 et 2008) 4 999 habitants.
Au Nord, on trouve la commune de Poya (FNLKS – UC, commune reprise à la droite en 2008) 2 648 habitants, Canala (FLNKS – UC) 3 341 habitants, Kouaoua (FLNKS) 1 345 habitants, Houaïlou (FLNKS – UNI – Palika) 3 945 habitants, Pouembout (Avenir ensemble depuis 2008, anciennement FLNKS) 2 078 habitants, Ponerihouen (FLNKS – Union Progressiste Mélanésienne) 2 384 habitants, Koné (FLNKS – UNI – Palika) 6 416 habitants, chef lieu de la Province Nord, Poindimié (FLNKS – UNI – Palika, avec le chef de ce parti Paul Néaoutyine) 4 818 habitants, Voh (FLNKS – UNI – Palika) 2 408 habitants, commune célèbre pour avoir vu l'un de ses sites, le fameux « Coeur de Voh », devenir la couverture d'un livre particulièrement bien vendu, en l'espèce « La Terre vue du ciel » de Yann Arthus Bertrand, Touho (FLNKS – UNI – Palika) 2 247 habitants, Hienghene (FLNKS – UC, c'est la ville de l'ancien leader indépendantiste Jean Marie Tjibaou, assassiné en 1989) 2 399 habitants, Kaala Gomen (indépendantiste) 1 931 habitants, Pouébo (FLNKS – UC) 2 416 habitants, Ouégoa (Union Calédonienne) 2 132 habitants, Koumac (Avenir ensemble, la commune étant la seule dans la Province Nord dont la population n'est pas majoritairement Kanake) 3 690 habitants, Poum (FLNKS – UC) 1 388 habitants et l'archipel des Iles Belep (FCCI, Fédération des comités de coordination indépendantistes) 895 habitants.
Mais la géographie, en Nouvelle Calédonie, ce n'est évidemment pas seulement de savoir qui est maire de telle ou telle commune, même si chacun aura pu comprendre au moins deux choses.
Un, qu'en allant du Sud vers le Nord, on va de communes acquises à la droite vers les fiefs indépendantistes.
Deux, qu'un siège aurait fort bien pu réunir Nouméa et son agglomération immédiate (Le Mont Dore par exemple) et un autre le reste de l'île, sauf que ce n'est pas le choix qui a été fait par les ciseaux de Pasqua en 1986 comme par ceux de Marleix en 2007.
Réunir Nouméa et les Loyauté est même un non sens total, vu la distance entre l'une et les autres, mais cela permet évidemment à la droite de neutraliser dans le vote caldoche du chef lieu le vote indépendantiste des Loyauté.
Alors que grouper le vote « légitimiste » sur Nouméa et Le Mont Dore pour laisser le reste du Caillou élire un député est plus « incertain ».
Parce que, pour tous ceux qui ont connu les années 80, la Nouvelle Calédonie, c'est d'abord la découverte, au fil des évènements d'une exceptionnelle gravité qu'elle connut ces années là , du fait colonial dans toute sa crudité, alors même qu'on aurait pu penser qu'il avait disparu, perdu dans les sables algériens, au terme des accords d'Evian.
Sur le fond, même si d'Entrecasteaux est passé au large de la Grande Terre en 1793, la colonisation de la Nouvelle Calédonie n'a vraiment commencé que dans les années 1850, notamment par la création de Port de France sur la côté Sud Est de la Grande Terre, une petite base militaire appelée à devenir ensuite la ville de Nouméa.
Le territoire, outre cette vocation d'étape maritime sur les routes pacifiques, est devenu, après la chute du Second Empire et la Commune de Paris, devenue une colonie pénitentiaire, à l'instar de la Guyane, où l'on envoya d'ailleurs une bonne partie des communards et notamment Louise Michel.
Celle ci prendra d'ailleurs fait et cause pour les Kanaks révoltés en 1878, alors même que la colonisation du territoire commence, répondant aux principes habituels, c'est à dire la captation des terres appartenant jusque là aux tribus pour permettre aux colons d'y faire souche et d'y développer leur activité.
L'arrivée d'Alsaciens Lorrains, après 1870, puis d'autres familles françaises venues notamment du Nord de la France, de colons d'origine étrangère (parfois venus d'Australie après le « gold rush » dans l'outback australien) a assuré le peuplement européen du territoire tandis que les Kanaks étaient toujours plus minorisés.
Autre aspect qui n'est pas sans importance : les Européens sont, en général, de confession catholique.
Or, très vite, les Kanaks ont été christianisés par des missions protestantes, notamment venues des pays anglophones de la région, et une bonne partie de l'élite kanake est passée par l'enseignement de ces missions.
Pendant longtemps, et pour le moins jusqu'à la Libération, la Nouvelle Calédonie n'a pas échappé à cette organisation de la société coloniale, plaquant une sorte de vie à l'européenne pour les colons et minorisant, opprimant la population locale, mise hors jeu du jeu institutionnel, comme de toute promotion sociale quelconque.
L'équilibre actuel de la population du territoire, proche de 250 000 habitants désormais, donne une forte minorité de Kanaks (environ 100 000 personnes, cousins des Mélanésiens de la Région ou des aborigènes d'Australie), une part non négligeable de Caldoches, descendants des Européens et de métropolitains (environ 72 000 habitants), suivis de près par plus de 20 000 Wallisiens ( devenus plus nombreux que les résidents de leur archipel d'origine) et autant de Métis.
Ceci dit, sans entrer dans les détails, plus la population d'une commune est marquée par la présence des Européens, plus elle penche à droite et plus elle est kanake, plus ce sont les partis indépendantistes qui sont devant.
Les évènements des années 80 (assassinats d'Eloi Machoro, de Jean Marie Tjibaou, affaire de la grotte d'Ouvéa) et la signature des accords de Nouméa sur le devenir du territoire marquent évidemment la vie politique locale jusqu'à aujourd'hui.
On sait qu'en vertu de ces accords, un scrutin sur l'autodétermination de la Nouvelle Calédonie aura lieu entre 2014 et 2019 (il peut donc se produire pendant la législature qui s'annonce), scrutin avec un corps électoral spécifique et plus restreint d'ailleurs que celui des législatives.
Dans une économie littéralement portée ces derniers temps par la hausse du cours du nickel, principale richesse du sous sol calédonien, le rendez vous de 2012 devrait, sur le fond, maintenir l'état des lieux actuels avec une prédominance des candidats de droite.
Et les partis kanaks qui ont, au fil du temps, accompli un parcours les menant de l'association avec la démocratie chrétienne jusqu'à la gauche anticolonialiste, devront se contenter d'être la première force dans les communes, villages et tribus kanaks.