Politiquemania
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Le 21 avril 1997, un peu moins d'an un avant la date prévue pour l'organisation des élections législatives, Jacques Chirac décide d'annoncer, lors d'une allocution télévisée, la dissolution de l'Assemblée nationale. Face à une confiance de l'électorat de plus en plus limitée, le Président, en anticipant d'une année le scrutin, espère conserver la majorité à l'Assemblée nationale et ainsi pouvoir en bénéficier jusqu'à la fin de son mandat.
« Mes chers compatriotes,
Après consultation du premier ministre, du président du Sénat et du président de l'Assemblée nationale, j'ai décidé de dissoudre l'Assemblée nationale. Le décret de dissolution et le décret fixant la date des élections législatives au 25 mai et au 1e juin seront publiés demain matin.
Pourquoi, au risque de vous surprendre, me suis-je résolu à user maintenant du pouvoir, que me confère l'article 12 de la Constitution, pour abréger le mandat d'une Assemblée que j'ai tenu à conserver en 1995 et dont la majorité a soutenu loyalement le gouvernement ? Une Assemblée qui a contribué à définir les lignes de force d'une France moderne et compétitive et à laquelle je rends hommage. Aujourd'hui, je considère, en conscience, que l'intérêt du pays commande d'anticiper les élections. J'ai acquis la conviction qu'il faut redonner la parole à notre peuple, afin qu'il se prononce clairement sur l'ampleur et le rythme des changements à conduire pendant les cinq prochaines années. Pour aborder cette nouvelle étape, nous avons besoin d'une majorité ressourcée et disposant du temps nécessaire à l'action.
Nous avons engagé ensemble un effort considérable. Des réformes de fond sont en cours : la protection sociale, les armées et le service national, l'enseignement supérieur, la fiscalité, le secteur public. Après un long laisser-aller dont nous payons toujours le prix, l'assainissement de nos finances a été entrepris grâce à chacun d'entre vous. Nous avons ainsi recréé les conditions de la croissance. Cette politique commence à donner des résultats, mais ils ne sont pas suffisants. Ce n'est donc pas le moment de marquer une pause. Notre économie, nos entreprises, l'emploi ne peuvent attendre. Il faut au contraire, dès maintenant, aller plus loin sur le chemin des changements. Il faut que l'action politique monte en puissance pendant les cinq années qui viennent. Pour réussir, la France a besoin d'un nouvel élan. Cet élan ne peut être donné que par l'adhésion, clairement exprimée, du peuple français.
Mes chers compatriotes, le temps est venu de vous prononcer.
Ensemble, nous devons réformer en profondeur l'Etat, afin de permettre une baisse de la dépense publique, seule façon d'alléger les impôts et les charges qui pèsent trop lourdement sur vous et qui, trop souvent, vous démotivent. La baisse des impôts, c'est un choix exigeant, mais c'est un choix majeur que je fais parce que c'est le choix de l'avenir.
Ensemble, nous devons encourager, plus fortement qu'on ne le fait, les créations d'entreprises et les initiatives locales qui font notre richesse. Nous devons faire évoluer les comportements qui font obstacle à l'emploi. Il faut partout développer le dialogue et la concertation pour trouver de nouvelles réponses au chômage.
Ensemble, nous devons prendre toutes les mesures qui s'imposent afin que notre système éducatif s'adapte aux exigences de l'entrée des jeunes dans la vie active. Nous devons poursuivre la nécessaire adaptation de notre protection sociale, dont je suis et dont je resterai le garant. Nous devons réformer notre justice et la rendre plus indépendante, mais aussi plus rapide et plus proche. Vous le voyez, il s'agit de choix déterminants pour chacun d'entre vous. Et ces choix requièrent, exigent votre adhésion.
Et puis, il y a l'Europe. Elle impose parfois des contraintes, c'est vrai. Mais, ne l'oublions jamais, depuis un demi-siècle, pour nos vieilles nations qui se sont tant combattues, l'Europe, c'est la paix. Aujourd'hui, dans un monde qui s'organise et se transforme toujours plus vite, l'Europe nous apportera un supplément de prospérité et de sécurité, tout simplement parce que l'Europe, c'est l'union et que l'union fait la force.
Or d'importantes décisions seront prises au cours des tout prochains mois : le passage à la monnaie unique, indispensable si nous voulons nous affirmer comme une grande puissance économique et politique, avec un euro à l'égal du dollar et du yen ; la réforme des institutions européennes que nous voulons plus démocratiques, plus équilibrées, plus efficaces ; l'élargissement de l'Union aux jeunes démocraties qui appartiennent à la famille européenne et qui formeront, avec nous, la grande Europe; la réforme de l'Alliance atlantique, qui doit permettre aux Européens de mieux assumer la responsabilité de leur sécurité, dans un nouveau partage avec les Américains ; et surtout, ce qui me tient le plus à coeur, une Union européenne au service des hommes. Un modèle social vivant. Un front commun contre les fléaux qui menacent nos sociétés : le chômage et l'exclusion bien sûr, mais aussi l'exploitation des enfants, la drogue, l'argent sale, le terrorisme.
Tout cela va donner lieu à des négociations difficiles. Pour aborder ces échéances en position de force, pour construire une Europe respectueuse du génie des nations qui la composent et capable de rivaliser avec les grands ensembles mondiaux, votre adhésion et votre soutien sont essentiels.
Enfin, mes chers compatriotes, nous partageons des valeurs qui fondent notre communauté nationale et donnent à la France son destin singulier. Or les esprits sont troublés. Des principes essentiels ont été mis en cause : le respect dû à chaque homme, la tolérance, la solidarité la plus élémentaire. Des appels à la haine ont été lancés, et des boucs émissaires désignés. Ensemble, nous devons réaffirmer nos valeurs et les repères civiques et moraux qui sont les nôtres. Ensemble nous devons dire clairement dans quelle société nous voulons vivre.
Les réponses aux grandes questions qui se posent aujourd'hui ne se trouvent ni dans le repli sur nous-mêmes ni dans l'exploitation des peurs et des ignorances. Les réponses ne se trouvent pas non plus dans un "laisser faire-laisser aller" contraire à notre culture et à nos traditions sociales. Les réponses ne se trouvent pas davantage dans des solutions archaïques fondées sur le "toujours plus" d'Etat, le "toujours plus" de dépenses, le "toujours plus" d'impôts.
C'est un autre chemin que je vous propose de suivre. Ce que je vous propose, c'est l'idéal de notre République. Des droits farouchement défendus, et d'abord le droit à la dignité et à la protection, pour chaque homme, chaque femme, chaque enfant. Des devoirs et des responsabilités assumés, qui correspondent à ces droits. Une cohésion sociale renforcée. C'est la défense de l'ordre républicain. C'est une société apaisée, décrispée, qui anticipe mieux les problèmes et qui les surmonte par le dialogue et la concertation. C'est une morale politique retrouvée avec des dirigeants qui donnent l'exemple. C'est une vie politique modernisée, donnant toute leur place aux femmes et où les élus se consacrent pleinement à leurs fonctions. C'est une France laïque, respectueuse des croyances de chacun.
Voilà pourquoi, mes chers compatriotes, je vous demande de donner à la France une majorité qui aura la force et la durée nécessaire pour relever les défis d'aujourd'hui. Rien n'est facile, mais nous devons choisir la bonne voie, celle qui concilie la justice, la solidarité et la modernité. Nous sommes à moins de mille jours de l'an 2000. Je veux que nous exprimions sans tarder notre volonté commune d'entrer dans le troisième millénaire avec confiance et avec enthousiasme.
Mes chers compatriotes, je vous remercie.
Jacques Chirac
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